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l’innocente tasse de thé. C’est un goût populaire, une passion. Le moraliste et l’hygiéniste peuvent fulminer contre cette passions qui abrutit et qui tue. Edits impériaux, sermons, ordonnances de médecins, rien n’y fait. L’opium est et demeurera, entra les mains des Anglais, le principal article de commerce avec la Chine.

Les documens officiels n’indiquent point avec précision la provenance et la destination des marchandises qui ont passé par la douane ; on peut seulement se rendre compte des mouvemens du trafic avec les différentes nations en consultant les tableaux qui résument la valeur des transports effectués sous chaque pavillon. En 1881, les transports se sont ainsi répartis : pavillon anglais, 866 millions de francs., ce qui représente les trois quarts du commerce étranger ; — pavillon français, 124 millions ; — japonais, 48 millions ; — allemand, 40 millions ; — russe, 27 millions ; — américain, 16 millions, etc. La France, le Japon et l’Allemagne doivent leur supériorité aux services réguliers de paquebots que ces trois pays entretiennent à destination de la Chine. Pendant la période qui a précédé l’organisation de la compagnie des Messageries maritimes, la part du pavillon français dans la navigation des mers de Chine était à peu près nulle ; les soies destinées à notre marché étaient transportées par navires anglais et ne nous arrivaient qu’après un long détour, par la voie de Londres ou de Liverpool. Aujourd’hui, nos relations avec la Chine sont directes, les soies chargées à Shanghaï sont débarquées à Marseille, d’où elles remontent à Lyon, qui est devenu le principal marché de l’Europe pour cet article. De même, l’établissement d’un service de paquebots entre le port de Hambourg et la Chine a été très profitable pour l’Allemagne. Il y a là un enseignement qui ne doit pas être perdu de vue lorsqu’il s’agit de régler les conditions des lignes postales. On est trop porté, dans les parlemens, à critiquer les chiffres élevés des subventions réclamées pour l’entretien de ces lignes, et l’on n’apprécie pas suffisamment ce qu’elles rapportent sous toutes les formes, soit en bénéfices commerciaux, soit en influence politique. Elles rendent beaucoup plus qu’elles ne coûtent. Ces paquebots rapides, réguliers, partant et arrivant la heure fixe, sont de merveilleux instrumens, dont l’emploi, en ce temps d’activé concurrence, assure de grands avantages au pays qui les a créés. En réalité, nos relations directes avec la Chine ne datent que de l’organisation de la compagnie des Messageries.

Les échanges qui dopèrent par la voie de terre sur la frontière chinoise sont concentrés à Kiakhta. Aux termes d’anciennes conventions, les Russes étaient seuls admis sur ce marché, l’entrée dans les ports leur demeurant interdite. Les échanges consistaient en lainages et pelleteries fournis par la Russie, qui recevait en paiement les thés de Chine, ces fameux thés dits de caravane. De Kiakhta les produits chinois étaient transportés à la foire de Novogorod, d’où ils se répandaient en Russie et