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ITALIE ET levant ; 4391 personne. Mais peut-être est-il permis de dire que les hommes d’état de la France feraient sagement d’agir comme si ces suppositions étaient fondées, non pas seulement dans le monde, idéal de la logique pure, mais dans le monde réel des faits avérés, tangibles, certains.

Un de nos compatriotes qui vit en Italie, où il est né, et très au courant des choses italiennes, nous écrivait entre autres, choses, à la date du 3 juin : « Tous les journaux italiens ont reproduit une feuille de Bastia, où il est déclaré que l’avenir de la Corse est un mystère, je vous en ai déjà parlé… » Il est probable que les journaux français n’ont pas perdu leur temps, comme les journaux italiens, à reproduire l’article de la feuille de Bastia. Peut-être n’est-ce pas qu’ils se désintéressent de la question, c’est plutôt que la politique intime absorbe tout leur temps, la politique du parti qu’ils représentent. Mais du moins faut-il croire que nos ministres, qui ne font, eux, que de la politique française, savent de quelles prévenances sont l’objet, dans les universités italiennes, les étudians que la Corse leur envoie en trop grand nombre depuis quelques années ; avec quelles facilités on leur accorde les diplômes nécessaires à l’exercice de certaines professions, qui, dans leur pays, leur assurent une influence marquée sur l’esprit public. Que ces symptômes et d’autres encore de certaines tendances n’effraient point nos ministres et qu’ils comptent fermement sur l’inaltérable attachement des Corses à la patrie française, rien n’est plus juste. Mais un homme de grande expérience qui avait beaucoup vu et qui parlait rarement a dit un jour : « Tout arrive. » C’est le fond de la prévoyance humaine et le tout de l’habileté des hommes d’état : croire tout possible, être prêt à tout. — C’est parce que les ministres d’au-delà des Alpes, à quelque école, à quelque parti qu’ils appartiennent, sont convaincus de cette vérité, qu’ils n’hésitent devant rien de ce qui peut assurer l’avenir de leur pays, cet avenir, que nous croyons, nous, un rêve chimérique. Puisque tout arrive, en eftet, pourquoi désespérer de cet événement soi-disant impossible : l’annexion de la Corse à l’Italie ? Pourquoi, à plus forte raison, désespérer de ce qui n’a jamais été déclaré impossible, la substitution dans le bassin méditerranéen, et notamment dans le Levant, de l’influence italienne à l’influence dix fois séculaire de la France ?

Qui sait d’ailleurs si déjà ils n’ont pas de trop bonnes raisons de croire et d’espérer ?


IV

Quand on quitte la Grèce, après quelque temps passé à Athènes, au Pirée, dans les îles de l’Archipel, que la guerre de l’indépendance