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plus d’une de nos facultés de France, — où se pressent plus de cinq cents élèves de toutes nationalités, ce collège, dont le patriotisme français autant que l’église catholique peut revendiquer la création, ne symbolisent-ils pas les deux plus grandes forces de ce monde : la religion et la science pure ; la religion dans son expression supérieure, le catholicisme tel que l’ont fait dans une lente élaboration de dix-neuf siècles les plus grands génies de l’humanité ; la science pure, telle que l’ont faite les conquêtes de l’esprit moderne, enseignée par des hommes à la foi ardente qui l’acceptent sans restriction ni crainte, parce qu’ils voient en elle une des faces de cette vérité absolue qu’ils croient posséder tout entière et qui, par suite, ne peut être que la servante, l’auxiliaire de leur foi elle-même[1] ?

Tels sont les signes qu’en face de Beyrouth ou de Smyrne, les choses visibles présentent à l’esprit, et que l’esprit ne peut interpréter que comme le dernier acte de la lutte ininterrompue depuis mille ans de l’Asie musulmane contre l’Europe chrétienne. Le dernier mot de cette lutte, ce sera encore celui de l’empereur Julien, frappé à mort au milieu de son triomphe : « Galiléen, tu as vaincu ! » Mais ici la victoire du Galiléen n’est pas seulement celle de la foi chrétienne, de la civilisation européenne sur l’Islam et la barbarie asiatique ; pour nous elle est plus encore : elle est d’abord la sanction incontestable, éclatante, des traditions, ides idées politiques que la France ancienne poursuivait en Orient, puis pour la France nouvelle, la France républicaine, qui, malgré tout et quoi qu’on dise, est solidaire de cette France d’autrefois, dont elle procède directement ; peut-être est-il permis d’y voir un gage de son relèvement dans l’avenir.

Des deux thèses qui se dégagent des réflexions précédentes, la première est dès longtemps victorieusement établie. Sans insister sur les argumens historiques qui font son évidence, il convient peut-être-de les résumer succinctement, tels qu’ils ont été exposés dans une étude récente de la Fortnightly Review[2]. Les susceptibilités jalouses qui semblent l’accompagnement obligé du patriotisme anglais, toutes les fois qu’il s’agit de l’action extérieure de la France, donnent à cette étude une autorité particulière. D’ailleurs, par une déduction logique, ne doit-on pas poser en principe que notre patriotisme peut se réjouir de tout ce qui éveille ces

  1. À ce collège vient d’être annexée une faculté de médecine dont les diplômes équivalent officiellement à ceux délivrés par les facultés de France. Son imprimerie, admirablement outillée, est sans rivale pour l’impression des caractères arabes. La Bible sortie de ses presses est un chef-d’œuvre qu’envie l’Imprimerie nationale.
  2. French Diplomacy in Syria ; — the Fortnightly Review, avril 1882.