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rare dans les annales de notre diplomatie, toujours ardente à poursuivre le même but, c’est ce qui ressort de l’exposé que nous venons de faire à la suite d’un guide sûr. Ce qui importe maintenant, c’est de savoir quelle doit être cette politique dans l’avenir, et si les avantages que l’on est en droit d’attendre de ses succès sont bien ceux que nous avons dits.

Ces avantages sont de deux sortes : les uns d’ordre accidentel contingent, les autres d’ordre général, permanent pour ainsi dire. Un exemple précisera ce que nous appelons les avantages d’ordre contingent.

« Les ressources militaires et financières de la France s’étaient graduellement relevées des suites désastreuses de la guerre allemande, et avec la conscience du retour de ses forces, elle retrouvait en quelque sorte son vieil esprit d’agitation et d’agrandissement au dehors. Au congrès de Berlin, avec la pénétration et la clairvoyance qui distinguent ses combinaisons politiques, M. de Bismarck devina le réveil de cet esprit et lui prépara un champ d’activité où rien ne pouvait compromettre les relations entre les deux pays. Le chancelier allemand indiqua les rivages méridionaux de la Méditerranée comme ce champ d’activité ; ses ouvertures insidieuses furent comprises, et dès que la France fut libre à l’intérieur, l’expédition tunisienne ne fut plus qu’une question de temps et d’opportunité. Parmi les contingences contre lesquelles il fallait se garder le jour où on entrerait en action était celle d’une active résistance de la part du sultan, qui pouvait bien ne pas être disposé à abandonner ses droits de souveraineté sur la régence, par déférence aux argumens subtils du quai d’Orsay. Cette résistance, quoique peu probable, il était nécessaire d’être prêt à la combattre, et il semble naturel que cette considération ait décidé le gouvernement français à donner une nouvelle attention à la Syrie, comme moyen de contre-miner les volontés de la Porte, au cas où elle serait tentée de recourir à des argumens autres que des protestations diplomatiques. Le ministre turc qui plaidait auprès de M. Goschen, comme circonstances atténuantes du mauvais gouvernement turc, qu’il y avait dix-neuf Irlandes dans l’empire ottoman, aurait pu ajouter qu’une demi-douzaine d’entre elles peuvent se trouver dans la Syrie seule. Outre les populations chrétiennes de différentes sectes donc il est inutile de dire qu’aucune affection n’est possible entre elles et la Porte, il y a trois tribus guerrières, les Druses, les Ansarieyhs et les Métualis, dont la dissidence avec l’orthodoxie musulmane ne fait que fortifier la haine contre la domination turque, tandis que, même parmi les plus fervens Sunnites de Damas, la quatrième ville sainte de l’islam, on peut trouver les symptômes