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leurs destinées nouvelles, que hâteront d’autres faits économiques d’un ordre moins général, comme le percement vigoureusement mené de l’isthme de Corinthe[1]. Quel est le sort réservé à Marseille ? La ruine peut-être ; en tout cas de quels rudes coups ne sont pas menacés notre commerce maritime partout en décadence, notre industrie nationale déjà si cruellement éprouvée ? Aussi, sans entrer dans des considérations de politique transcendante sur le démembrement prochain de l’empire ottoman, sur les révolutions qui en seront les suites inévitables, en présence de ce double péril et nous souvenant des leçons que l’Egypte nous a données, le maintien, le développement de notre influence politique, — qui restent le plus puissant, sinon le seul moyen de conjurer ces périls, s’imposent à nos hommes d’état comme le plus impérieux de leur devoir, — un devoir devant lequel doivent s’effacer ces misérables questions d’intérêt qui nous divisent et jusqu’aux exigences de cette logique absolue si chère aux meneurs de nos assemblées. Nous l’avons vu, les gouvernemens si divers qui se sont succédé en France, monarchie, empire, république et jusqu’à la convention nationale, ont tous compris ce devoir de la même manière ; tous l’ont rempli sans défaillances. La France de nos jours, la France républicaine, ne peut y faillir. Il faut qu’elle maintienne partout cette politique qui fît sa force dans le passé, qu’elle défende le légitime et glorieux héritage que dix siècles d’efforts lui ont légué contre tous ceux qui vendent l’en dépouiller à leur profit.


V

A croire ce qui se dit, ce qui s’écrit, à en juger même par certains faits récens que l’Europe, insouciante ou complice, a consacrés, — nous voulons parler de l’occupation de Chypre par les Anglais, de celle de l’Egypte, aussi réelle, quoique moins hautement avouée, — il semble qu’au premier rang des adversaires de nos revendications légitimes dans le Levant, il faille placer l’Angleterre, notre constante rivale. Sans méconnaître la portée de l’opposition qu’elle y a faite déjà, de celle plus vive qu’elle nous ferait à

  1. Voir, à ce sujet, la brochure intitulée : Notes sur le percement de l’isthme de Corinthe. Décembre 1882. Athènes ; Perris frères. Le mouvement commercial du port de Marseille avec la Grèce, la Turquie d’Europe et Smyrne, la Mer-Noire, est évalue à 949,954 tonnes, chiffre que le mouvement des autres ports français porte à 1 million. Le mouvement de tous les ports italiens s’élève à 1,769,278 francs. Ces chiffres donnent à réfléchir. — Voir également sur la situation commerciale la note de notre consul général. Moniteur officiel du commerce, 19 juin 1883.)