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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : le Bel Armand, comédie en 3 actes, de M. Victor Jannet. — L’Exil d’Ovide, comédie en 1 acte, en vers, de M. Honoré Bonhomme.

Après le succès du Père de Martial, tout en félicitant M. Albert Delpit sur l’audacieuse façon de ce drame, je lui confiai que j’en rêvais un autre qui surprendrait le public et surtout les auteurs par la nouveauté de l’invention : « Quel en est le sujet ? fit mon ami avec complaisance. — Un jeune homme, qui se croyait bâtard, découvre qu’il est fils légitime : il est désolé. »

M. Albert Delpit m’a gardé le secret, et ce n’est pas M. Victor Jannet qui m’aura coupé l’herbe sous le pied. Dans sa comédie le Bel Armand, représentée à l’Odéon pour la réouverture de te théâtre, on voit un jeune homme qui se croyait légitime et se trouve adultérin ; d’ailleurs, à côté de ce jeune homme, on en voit un autre, né du même père après de justes noces ; les deux frères, qui ne se savent pas frères, sont rivaux en amour ; ils se provoquent et, pour les empêcher de se battre, il faut que leur père s’humilie en leur révélant son secret. Si j’ajoute que l’adultérin est ingénieur, inventeur, laborieux et vertueux, tandis que le fils légitime n’est qu’un aimable vaurien ; si j’achève, en constatant que l’ingénieur, quand il connaît sa naissance, écarte avec horreur son vrai père pour serrer dans ses bras son père par alliance, j’entends le mari de sa mère, — on admettra volontiers que le Bel Armand n’a choqué personne par l’originalité de sa donnée. Mais, si je déclare que cet ouvrage, à peine annoncé par les courriers de théâtre, signé d’un inconnu, représenté à l’Odéon, a été fort applaudi et que c’est justice, on sera stupéfait.

C’est que ces situations, qui ne sont pas neuves, et qui pourtant demeurent baroques, M. Jannet les a renouvelées et justifiées par