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taires, et si on n’avait pas confié à M. le garde des sceaux les dangereux moyens de satisfaire les rancunes et les cupidités de parti aux dépens de la magistrature française ?

Pense-t-on surtout que la république ne serait pas dans des conditions meilleures si elle avait un gouvernement affranchi de ces influences de parti pour s’occuper avec suite, avec autorité des intérêts nationaux de la France ? La plupart des difficultés extérieures qui existent aujourd’hui n’ont pris une certaine extension ou une certaine gravité que parce qu’on ne les a pas prévues, ou parce qu’on n’a pas su prendre à propos les mesures nécessaires pour les limiter, pour en atténuer le caractère et les conséquences. C’est ainsi que, dans ces affaires du Tonkin, on a commencé par n’avoir qu’une idée peu précise, très incomplète de l’entreprise dans laquelle on s’engageait ; on a continué par des tergiversations, par des instructions évasives ou contradictoires, par l’envoi de forces insuffisantes, et on s’est trouvé bientôt en face de dangers évidens : dangers de mésaventures militaires dans ces régions lointaines, dangers de complications au moins pénibles en Europe. Il y a eu un moment où la situation créée à la France a été aussi confuse qu’épineuse. Cette situation a semblé, il est vrai, se simplifier, il y a quelques semaines, par le traité que nos agens sont allés signer à la cour de Hué avec le nouvel empereur de l’Annam et qui, en apparence du moins, diminuait le nombre des ennemis que nous pouvions avoir à combattre ; mais d’abord il y aurait à savoir quelle est l’efficacité réelle de ce traité, comment il sera exécuté, et de plus, pendant que la question se simplifiait du côté de Hué, si tant est qu’elle soit simplifiée, elle a paru se compliquer et s’aggraver du côté de la Chine. Les Chinois auraient, dit-on, envoyé des forces militaires à la frontière du Tonkin, et se livreraient à d’assez sérieux préparatifs de guerre. Que ces préparatifs aient été exagérés par les Anglais, dont la mauvaise humeur ne se déguise guère, c’est possible ; il est certain pourtant que la Chine n’est pas disposée à reconnaître notre traité avec l’Annam et qu’il y aura toujours à débattre avec elle cette affaire du Tonkin. Sera-ce par la guerre ? c’est une extrémité à laquelle on ne se résoudra sans doute qu’après avoir épuisé tous les autres moyens, En finira-t-on pacifiquement dès aujourd’hui ? Il y aurait, d’après toutes les apparences, des négociations nouvelles renouées entre l’envoyé du Céleste-Empire et notre ministre, des affaires étrangères ; mais ces négociations prissent-elles un caractère décisif, tout ne serait certes pas terminé, et la paix fût-elle maintenue avec la Chine, le Tonkin nous réserverait peut-être encore bien des surprises, bien des difficultés à surmonter.

Ces affaires de l’extrême Orient restent plus que jamais, à n’en pas douter, la préoccupation de la France, d’autant plus qu’on n’a démêlé