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Monticello pour présider à un grand banquet qui lui fut offert et lui porta un toast en ces termes : « Honneur à celui qui a comblé la mesure de la gloire de son pays ! »

Jackson profita de son séjour à Washington pour entrer en relations avec tous les personnages marquans du parti républicain ; il se lia particulièrement avec le secrétaire de la guerre Monroe, dont il avait eu à se louer pendant la campagne de la Louisiane. Monroe succéda l’année suivante à Madison comme président des États-Unis. C’était le quatrième président que donnait à la république américaine l’état de Virginie. Tour à tour officier pendant la guerre de l’indépendance, ministre plénipotentiaire près des cours de Paris, de Madrid et de Londres, secrétaire d’état, puis secrétaire de la guerre pendant les dernières luttes avec l’Angleterre, Monroe avait été constamment et activement mêlé aux affaires publiques. Il y avait montré dans des circonstances difficiles un patriotisme sincère, une grande modération d’esprit, une certaine timidité qui le faisait hésiter moins devant les responsabilités à porter que devant les résolutions à prendre, un jugement lent, mais sûr[1], qu’égarait parfois une excessive préoccupation de l’opinion publique, dont il suivait les fluctuations avec la docilité particulière aux politiques de l’école de Jefferson. Au moment où il arrivait au pouvoir, les luttes ardentes des partis avaient cessé ; le fédéralisme n’était plus qu’un glorieux souvenir ; les questions de principes avaient fait place aux rivalités de personnes ; et le parti républicain, dont la prédominance était désormais incontestée, semblait disposé à tempérer dans la pratique du gouvernement la rigueur de quelques-unes de ses anciennes doctrines. C’était en somme une politique de conciliation qu’allait faire prévaloir l’administration prudente et sans éclat du président Monroe. En adressant au nouvel élu ses félicitations, Jackson jugea l’occasion favorable pour donner à cette politique une adhésion publique. Sa lettre, qui porte la date du 12 novembre 1816 et dont on attribua la rédaction à son ami le major Lewis, chez lequel il se trouvait alors[2], a le

  1. Jefferson avait coutume de dire de lui : « Il est lent, mais si on lui laisse le temps, son jugement est infaillible. » (Tucker, History of the United States, t. III. p. 406.)
  2. Jackson, ainsi que nous l’avons dit, n’avait reçu qu’une instruction fort incomplète et aurait été hors d’état de rédiger lui-même un document politique de quelque importance : mais il sut, dans toutes les circonstances de sa vie, trouver de fidèles et habiles interprètes de ses pensées, et ses proclamations, messages et écrits de toute nature présentent un caractère d’originalité et d’unité qui atteste la part personnelle qu’il prit à leur composition. On raconte que, le lendemain de la publication de son message présidentiel du 7 décembre 1829, qui eut un très grand succès il demanda à un de ses familiers, le général Armstrong, ce qu’on en disait dans le public : « On