Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

filles « un peu d’astronomie, un peu de la connaissance de la machine du corps des animaux, quelque chose sur les causes de plusieurs effets naturels, la pluie, la grêle, le tonnerre. » Dans le plan de Mme Campan on voit aussi une certaine part faite aux sciences, à savoir : la cosmographie et la botanique usuelle. L’histoire et la géographie y sont mentionnées sans aucune restriction, et par conséquent, il s’agit de la géographie universelle et de l’histoire universelle ; mais la littérature et les langues vivantes sont complètement exclues. Tel était le plan d’études des maisons de la Légion d’honneur jusqu’à ces dernières années. On voit combien il était loin de répondre à l’idée d’un véritable enseignement secondaire. Mme Necker de Saussure, dans son plan d’études idéal, nous offre des vues bien plus étendues. Elle y réunit les sciences, les langues, l’histoire, la littérature et les arts. Mme de Rémusat demande que l’éducation des filles se rapproche davantage de celle des garçons. « Cette règle, dit M. Gréard, est devenue celle de tous les programmes d’études énumérés depuis cinquante ans. Les pays où l’éducation des filles est le plus en honneur n’en ont pas d’autre. Morale, langue nationale et langues vivantes, histoire, géographie, arithmétique, élémens de géométrie, sciences physiques et naturelles, économie domestique et droit usuel, dessin, musique et gymnastique : tel est l’ensemble des connaissances plus ou moins développées qui, chez tous les peuples dont nous sommes entourés, constituent le fond commun. La loi du 21 décembre 1880 n’a fait que l’adopter. »

Reste une dernière question toute philosophique : c’est la question de l’intelligence de la femme et de sa comparaison avec celle de l’homme. M. Gréard nous donne le résumé curieux et piquant de cette vieille querelle, qui dure encore. Au XVIIe siècle, ce sont deux femmes, comme il est naturel, qui soutiennent la doctrine de l’égalité des sexes : Mlle de Gournay et Anna Schurmann. A côté d’elles l’auteur évoque surtout le nom peu connu d’un théologien protestant du XVIIe siècle, Poullain de La Barre, dont les Discours et Entretiens, plusieurs fois réimprimés, parurent dix-huit mois après les Femmes savantes. Dans ces discours, l’auteur soutient qu’à égalité de nature doit correspondre égalité d’éducation. Il admet que, pour l’homme, il n’y a pas de plus grande jouissance que de connaître et que cette jouissance doit être la même pour les deux sexes. Suivant lui, les défauts imputés aux femmes, babil, artifice, médisance, coquetterie sont les résultats de l’éducation de couvent. Il conçoit le plan d’un établissement destiné à former des gouvernantes et des institutrices ; il indique les moyens de recrutement, les livres, les méthodes : on se croirait dans nos écoles normales.