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courant d’intensité suffisante et faire la compensation en accroissant la force électromotrice; il suffirait de faire tourner rapidement la machine. Il y aurait beau jeu, mais la corde romprait, La force centrifuge casserait tout. On pourrait, il est vrai, assurer le succès sans changer le régime de la machine, en choisissant un conducteur plus gros. Si, en conservant le même métal, — c’était du cuivre, — on rend le diamètre six fois plus grand, on aura compensé précisément la multiplication de la longueur par 36. On pourra envoyer la force à 18 kilomètres, comme on le faisait à 500 mètres, les conditions resteront les mêmes. Mais un fil de 36 kilomètres, — puisqu’il faut compter le retour, — coûterait tout au moins 200,000 fr. C’est là l’objection, et elle est sérieuse. Un fil de fer ne réussirait pas, étant, à section égale, cinq fois moins conducteur que le cuivre.

La possibilité de transporter la force par un fil conducteur, n’est plus, depuis dix ans-au moins, contestée. Mais il faut pour cela, ou de gros fils ou de grandes tensions. On repousse la première condition par économie, la seconde par prudence. On a reproché enfin à la transmission électrique de procurer une grande perte de force. Le rendement est petit : telle est la forme de l’objection répétée sans cesse. Après chaque expérience, c’est du rendement qu’on s’informe, par bienveillance, il n’en faut pas douter, pour se réjouir si la fraction est grande. On reste prêt toutefois, si elle se trouve petite, à condamner la méthode en plaignant la force perdue. C’est une fausse opinion. Le travail doit se faire et ne pas trop coûter : voilà la règle. La force perdue, par elle-même, est ce qu’on doit le moins considérer. Si l’on pouvait transporter à New-York les 17 millions de chevaux qu’un mécanicien voit tomber du Niagara, qu’importerait d’en perdre les neuf dixièmes en route? Que penserait-on d’un savant qui, sachant démontrer que tout choc fait perdre du travail, regretterait la force perdue quand on forge du fer?

On pourrait aisément accroître le rendement, mais il n’y aurait qu’à y perdre. Énonçons les données du problème.

Nous supposons deux machines : l’une, la génératrice, destinée à produire le courant; l’autre, la réceptrice, qui tournera sous son influence. La machine génératrice dépense ou, comme on dit, absorbe du travail; la réceptrice en produit. Le rapport du travail produit au travail dépensé est le rendement. Les deux machines étant, l’une et l’autre, étudiées et bien connues, si l’on demande quel sera le rendement, un ignorant seul peut répondre. Tout dépend de la manière d’opérer. Le rendement peut varier, suivant le régime adopté, entre 0 et 100 pour 100.

Si le rendement peut grandir, il ne semble pas qu’on soit en