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intellectuelle qui, à proprement parler, pense. Cette confusion est au fond des doctrines qui réduisent à l’excès la part de la conscience, parce qu’elles l’enferment dans une définition trop étroite.

Entendue au sens le plus général, la vie consciente donne lieu à deux problèmes importans : quelles sont les conditions de la conscience et quel en est le fond? Ce fond est-il lui-même quelque chose d’inconscient?

La première condition de la conscience, d’après la nouvelle psychologie scientifique, est une intensité d’excitation suffisante pour s’étendre des nerfs jusqu’au cerveau, et, dans le cerveau même, une suffisante intensité d’onde nerveuse. Il existe, selon le terme d’Hamilton, un minimum sensible et aussi un maximum. Quand un son décroît, il y a un moment où l’on entend encore et un moment où l’on n’entend plus: c’est la limite ou, comme disent les Allemands, le seuil de la conscience; cette limite marque, pour le son, le minimum sensible. Il faut, en effet, pour produire la sensation, un ébranlement des nerfs assez prolongé, il faut non-seulement un faible coup dans les centres inférieurs de la moelle, mais un contre-coup et comme un écho durable qui retentisse jusque dans le cerveau. Une impression trop faible peut se perdre le long du chemin, ou se transformer dans les nerfs en mouvemens intestins, en augmentation de chaleur, en actions chimiques. De là les lois intéressantes découvertes par les psychologues modernes sur le minimum d’excitation perceptible à la sensibilité, et sur les rapports généraux de l’excitation à la sensation. La plus petite sensation perceptible au toucher est une pression de deux milligrammes à cinq centigrammes ; pour la température, un huitième de degré centigrade ; pour la lumière, une intensité environ trois cents fois plus faible que celle de la pleine lune. On a calculé de même la plus petite différence entre deux sensations que la conscience puisse percevoir. Posez la main étendue sur une table en fermant les yeux, et qu’on place sur votre main un poids d’une livre. À ce poids on en ajoutera un plus petit, par exemple 2 grammes, 5 grammes, 10 grammes; tous ne vous apercevrez d’aucune différence. Vous ne sentirez l’augmentation de pression que quand le poids ajouté sera d’un tiers de livre. On a obtenu des résultats analogues pour l’appréciation des accroissemens dans la température et dans l’intensité des sons. Pour l’effort musculaire il faut une augmentation d’un dix-septième, et pour la lumière d’un centième. Il résulte de toutes ces expériences et d’autres semblables cette loi capitale : la sensation croît plus lentement en intensité que l’excitation nerveuse. Deux lumières n’éclairent pas deux fois plus qu’une seule, et il faut multiplier les lumières selon une progression rapide pour produire une sensation qui, elle,