Et il se dirigea du côté du vacarme.
Quelques instans après, il rencontrait toute une bande excitée. En vain éleva-t-il la voix. Se jetant alors devant la colonne, qui avançait en désordre :
— Arrêtez ces gars-là, Bienvenu, cria-t-il en s’adressant à un grand gaillard qui, d’après les dimensions du chaudron dont il se servait en guise de grosse caisse, semblait être un des meneurs, arrêtez-les jusqu’à ce que j’aie parlé.
Bienvenu se retourna en brandissant son instrument de discorde. Ils ralentirent le pas ; deux ou trois trompes firent silence, et là prière de White put être entendue de la foule, qui consentit à se taire un instant.
— Je vous en prie, dit White, pas de charivari ce soir chez le vieux Roquelin !
— Mon bon ami, interrompit Bienvenu en bégayant et en battant les murs, qui vous parle de charivari? Croyez-vous que parce qu’on s’amuse un brin avec des casseroles, on soit soûl pour cela?
— Non, vous n’êtes pas soûl, mon camarade, vous êtes un brave homme. Mais vous ignorez peut-être que le vieux Roquelin est malade, très malade?.. Si fait, vous le savez, et vous n’irez pas,.. dites?
— C’est vous qui êtes soûl, je suis fâché de vous le dire, White, mon ami, soûl comme une grive. J’ai honte de vous, ma parole! Qu’est-ce que je fais, moi?.. Je sers le public. Ces citoyens veulent tout simplement amener le vieil avare à donner deux cents piastres aux Ursulines.
— Cinq cents ! hurlèrent ses compagnons en chœur.
— Oui, cinq cents piastres,.. et, s’il refuse, nous lui ferons un peu de musique... Ta-ra-ta!
Il leva gaîment le pied et la main; puis, fronçant le sourcil :
— Pourquoi boit-il autant de whisky, ce vieux Roquelin?
— Mais, s’écria le petit White, autour duquel un cercle s’était formé, vous ne voudriez pas martyriser un malade?
— Il est malade? dit un créole fluet. Ce n’est pas notre faute. Nous avons promis de faire un charivari, nous n’avons qu’une parole. Laissez-nous le chemin.
— Ne pourriez-vous faire votre charivari à d’autres?
— A d’autres? c’est une idée... Et en faire un à Jean Roquelin demain soir par-dessus le marché, s’écria Bienvenu.
— Allons donc chez Mme Schneider! crièrent deux ou trois de ces enragés.
Et, au milieu des hurrahs, des cris confus que dominait une voix de stentor demandant à boire, la racaille se remit en route.