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le continent, à deux milles de l’île Orine, est située Adulis, village peu important; à trois jours de marche dans l’intérieur, se trouve Coloé, premier marché d’ivoire de cette région. De Coloé, on compte cinq jours de marche jusqu’à la capitale des Auxumites. Dans cette capitale se rassemble, en passant par le district de Syène, tout l’ivoire qu’on recueille au-delà du Nil. Au large et sur la droite d’Adulis, apparaît un groupe de petites îles désignées sous le nom d’îles Alalées, — l’île Tor et l’île Oucan de nos cartes modernes; — on y pêche des tortues que les Ichtyophages apportent au comptoir d’Adulis.

Nos officiers sont devenus familiers avec ces parages ; des colonies européennes se disputent le droit d’y arborer leur drapeau. Je leur rends service en leur montrant la route qu’ont suivie leurs devanciers, et c’est là mon excuse quand je m’attarde involontairement à tous ces détails géographiques. Les bords de la Mer-Rouge n’ont pas beaucoup changé depuis dix-huit siècles ; ce sont toujours les mêmes populations qui les habitent et les mêmes marchandises qu’on y va chercher.

A 80 milles environ de l’île Orine, se creuse un nouveau golfe. Un long banc de sable en occupe l’entrée : sur ce banc, à une assez grande profondeur, on trouve de l’obsidienne, pierre précieuse qui ne se rencontre nulle part ailleurs. Le territoire qui s’étend du pays des Moschophages jusqu’à la Barbarique ultérieure, reconnaît pour chef Zoscalès, personnage avide et fort intéressé, honnête néanmoins et ayant une certaine culture des lettres grecques. Dans tous ces comptoirs, on importe des étoffes grossières, étoffes non tondues, non travaillées par les apprêteurs, que les barbares recherchent de préférence aux autres draps qui se fabriquent en Égypte. On y importe aussi des robes d’Arsinoé, des manteaux communs de diverses couleurs, des tissus à franges, des verreries, — on sait que le verre fut de bonne heure un des produits de l’Égypte : Firmus, un des derniers rebelles que vainquit Aurélien, poussait le luxe jusqu’à en garnir ses fenêtres. Avec ces verreries on apporte des vases de fluorine, sorte de porcelaine provenant de Diospolis, un peu de cet alliage de cuivre dont on se sert dans l’empire romain pour la fabrication des monnaies, des plaques d’airain dont on confectionne divers ustensiles de cuisine, des bracelets et autres ornemens pour la parure des femmes, du fer aussi dont les naturels du pays arment la pointe de leurs lances, car c’est avec des javelines qu’ils se font la guerre, avec des javelines qu’ils vont à la chasse des éléphans et des bêtes fauves. Ce n’est pas tout : on importe encore des haches, des cognées, des épées, des brocs d’étain, de la menue monnaie employée dans les échanges avec les étrangers, du vin de Laodicée et d’Italie en petite quantité, un peu d’huile. On peut en outre apporter pour