et conserver en même temps aux tribunaux la surveillance qui leur appartient naturellement sur une profession qui a tant de rapports avec eux et qui est regardée comme le séminaire de la magistrature. » C’est par l’action combinée du conseil des avocats et de la magistrature que le barreau serait ramené à ses anciennes traditions et qu’on purgerait les tribunaux des intrus, des hommes tarés qui en avaient pris la place. « Nous voulons, disait enfin le préambule, garantir sa liberté, son indépendance et sa noblesse en posant les bornes qui la séparent de la licence, de l’insubordination et de la corruption. » Si ce dernier mot a été effacé de la rédaction officielle, il reste néanmoins comme l’énergique expression des sentimens du conseil d’état sur la tourbe des agens d’affaires qui s’était emparée des tribunaux depuis le jour où l’assemblée constituante lui en avait si imprudemment ouvert les portes jusqu’à celui où le gouvernement impérial vint la lui fermer avec le décret du 14 décembre 1810.
L’élaboration de ce décret fut longue et agitée : commencée en 1806, elle dura quatre années, contrariée qu’elle était par les idées peu favorables du chef de l’état. En dehors de la répulsion qu’il ressentait pour les hommes de loi en général, Napoléon ne voyait dans le barreau reconstitué qu’une phalange d’ennemis politiques et de conspirateurs. Lorsque Cambacérès lui présenta le premier projet du décret, conçu dans un sens tout à fait libéral, cédant à ses violens préjugés, il le lui renvoya avec cette note, qui obligea de le remanier : « Tant que j’aurai l’épée au côté, je ne signerai jamais un décret aussi absurde. Je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en servirait contre le gouvernement. » Treilhard mourait quelques jours avant la publication du décret modifié, regrettant de n’avoir pu le tenir plus près des anciennes traditions. Il portait à coup sûr la marque autoritaire du soldat, mais contenait d’importantes dispositions : le conseil et le bâtonnier étaient rétablis. L’élection directe des membres du conseil et du bâtonnier, proposée par la section de législation, conformément au passé, était rejetée, mais le procureur général ne pouvait désigner les membres du conseil que sur la double liste qui lui était présentée par le barreau, et le bâtonnier que sur la liste des membres du conseil, auxquels l’action disciplinaire était rendue, à la charge d’appel devant la cour. Linguet, rayé du tableau pour sa conduite et ses continuelles attaques, n’aurait eu rien à dire avec un pareil décret. Il en eût appelé au parlement, et le conseil de l’ordre eût sans doute échappé à ses furibondes diatribes. Le décret de 1810 fut remplacé par l’ordonnance du 20 novembre 1822, qui laissa réellement au barreau le soin de composer son tableau comme il l’entend, de n’y « souffrir que ceux qui sont dignes d’y figurer »