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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/437

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indistinctement contre les ministres, contre la majorité, contre la ploutocratie et le reste, coupables, selon lui, de livrer la France à l’Allemand. L’orateur fut vraiment superbe dans son indignation débordante et dans ses apostrophes emportées. Aux dernières heures de la lutte, il tenta l’effort suprême, et sa déclamation, ce jour-là, s’éleva presque jusqu’à l’éloquence; mais il devait succomber : les décisions antérieures de la chambre lui avaient enlevé toute chance de succès.

Rien de plus respectable que la susceptibilité du patriotisme; on voit par cette discussion le rôle qu’elle tient, même dans les questions d’affaires : il faut pourtant qu’elle se rende à la raison et à l’expérience. Est-ce que la patrie est en danger parce que les voies ferrées sont exploitées par des compagnies au lieu d’être exploitées par l’état? Est-ce que l’on ne peut pas obtenir du premier système, en cas de guerre, les mêmes services, les mêmes avantages que du second? La plupart des nations ont, comme la France, concédé leurs chemins de fer à des compagnies, et elles ne sont pas moins avisées, moins clairvoyantes en fait de patriotisme que l’empire d’Allemagne, où le système contraire est appliqué pour des raisons spéciales, politiques autant que militaires. Pendant la guerre de 1870, comme à l’époque des guerres de Crimée et d’Italie, le service des transports a été exécuté par les chemins de fer français d’une manière irréprochable. Voilà ce que répond l’expérience aux patriotes trop prompts à s’alarmer. Pour l’avenir, les règlemens ont été complétés en vue de la mobilisation. Le ministre de la guerre déclare que toutes les mesures sont prises afin que les ressources des compagnies, en matériel et en personnel, soient immédiatement à la disposition de l’autorité militaire : il affirme, sur l’avis des commissions compétentes, que l’organisation des transports, telle qu’elle a été prescrite aux compagnie?, lui donne toute sécurité. Que veulent de plus M. Lockroy et M. Madier de Montjau? Quant au procédé subsidiaire qui consiste à déléguer des agens de l’état à la direction des compagnies ou dans les conseils d’administration, le ministre des travaux publics n’a pas eu de peine à le combattre en démontrant que l’état, investi du droit absolu de contrôle et de surveillance, ne doit point s’associer à la responsabilité de la gestion. Cet argument suffisait. Le ministre aurait pu se dispenser de solliciter, par surcroît, les circonstances atténuantes en faveur des administrateurs de chemins de fer, de leur délivrer un certificat de progrès dans la pratique de la dévotion républicaine et laïque, et de se porter garant de leur civisme. Ce petit procès ne méritait vraiment pas d’être plaidé.

La commission avait proposé une clause spéciale interdisant aux