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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/593

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Des divers procédés employés pour augmenter la population des eaux, celui auquel on a plus particulièrement donné le nom de pisciculture est la fécondation artificielle des œufs de poisson. Elle consiste à extraire ces œufs du ventre de la femelle au moyen d’une légère pression, et aies féconder par la faite du mâle obtenue de la même façon. Cette opération qui, à vrai dire, n’a rien d’artificiel puisqu’elle se borne à provoquer, sur des poissons captifs, une fonction physiologique qu’ils remplissent spontanément à l’état libre, est applicable à peu près à toutes les espèces ; mais il en est beaucoup pour lesquelles elle est inutile et qui se reproduisent toujours en quantité suffisante, sans qu’il soit nécessaire pour l’homme d’intervenir. On n’a aucun intérêt-à multiplier, par exemple, les espèces voraces, comme la perche et le brochet, qui ont peu d’ennemis à craindre, se mettent en chasse à peine au sortir de l’œuf et qui, malgré la qualité de leur chair, coûtent, par les autres poissons qu’ils détruisent, toujours plus qu’ils ne valent. Il en est de même des anguilles, qui vont frayer à la mer et dont les alevins remontent les fleuves en si grande abondance qu’un seul verre de cette montée suffit pour repeupler de vastes étangs. Il est à peu près inutile aussi de s’occuper des carpes, qui pondent des œufs par millions, et dont il suffit de placer un couple dans une simple mare, au moment du frai, pour avoir, quelques semaines après, des milliers de jeunes carpes propres au repeuplement des pièces d’eau. Les mares des fermes pourraient être utilisées de cette façon, avec grand profit pour le fermier.

Les seules espèces réellement précieuses qui, en dehors des mesures générales de police, méritent des soins particuliers, appartiennent à la famille des salmonidés et sont représentées chez nous par la truite et le saumon. Elles y ont droit non-seulement à cause de la qualité exceptionnelle de leur chair, mais aussi à raison des circonstances qui entravent leur multiplication. D’abord elles sont relativement peu prolifiques, puisqu’elles ne pondent que de 5,000 à 10,000 œufs ; de plus, la période d’incubation, pendant laquelle ces œufs sont exposés à la voracité des divers poissons, est plus longue que pour les autres espèces, puisqu’elle dure de deux à trois mois; enfin les petits après leur éclosion sont munis d’une véhicule ombilicale qui les nourrit par voie de résorption jusqu’à ce qu’ils soient en état de rechercher eux-mêmes leur proie. Cette vésicule les condamne à l’immobilité et les met hors d’état de se soustraire par la fuite à la voracité de leurs ennemis, parmi lesquels les larves des insectes aquatiques ne sont pas les moins redoutables. De tous les poissons les salmonidés sont donc ceux qui ont le plus à craindre dans leur jeunesse des circonstances extérieures, et c’est à eux