de la cartouche et qu’il n’y a plus besoin d’un mouvement spécial pour aller la prendre et la présenter à l’échancrure.
En Allemagne, en France, il y a eu dans le monde militaire un vif engouement en faveur des chargeurs automatiques et en général pour toutes les mesures destinées à accélérer le tir au-delà de toutes les limites précédemment admises, et au risque de ne plus ajuster, de façon à couvrir de balles une étendue considérable de terrain jusqu’à l’extrême portée du fusil, au lieu d’accumuler ses coups sur un point déterminé, d’y concentrer ses efforts, et de le cribler. On ne saurait mieux comparer cette dernière méthode qu’à la façon dont s’y prennent les pompiers pour éteindre un incendie en dirigeant un violent jet d’eau sur la racine même de la flamme, pour ainsi dire, et n’attaquant un nouveau foyer qu’après s’être rendus maîtres du premier. Une pluie, pour si intense qu’on la suppose, ne produirait pas d’effets comparables. Pourquoi donc alors préférerait-on le tir en pluie au tir en jet? C’est que le soldat a une âme, si le feu n’en a pas; c’est que la pluie n’a sur le foyer qu’un effet matériel, tandis que la mousqueterie et la canonnade ont sur les troupes un effet moral. De tous les animaux l’homme est le plus peureux : le sifflement des balles, la vue des camarades qui tombent blessés agissent sur son esprit et le disposent aux découragemens.
Un officier supérieur de l’armée russe, le colonel Kouropatkine, a fort bien indiqué quels sentimens on éprouve en entrant dans une région de 2 kilomètres de profondeur où pleuvent incessamment les balles. Il en parle savamment, en ayant fait l’expérience dans la campagne de Plewna : « Une fois entrés dans la zone efficace de notre fusil, à 600 pas et plus près encore, nous utilisions fort peu les feux de mousqueterie et nous préférions nous porter en avant sans tirer et même sans utiliser complètement les couverts du terrain. Lorsque des pertes considérables, l’épuisement des forces physiques, l’ébranlement des nerfs, obligeaient nos troupes à s’arrêter en chemin avant d’avoir pu atteindre leur objectif, elles se couchaient, non pas sur les points qui eussent été les plus favorables, d’après la nature même du terrain et la position de l’adversaire, mais simplement à l’endroit où elles étaient domptées par cette sorte de crise. Des fractions étaient arrêtées, les unes à 100, les autres à 40 pas de l’ennemi, sur des terrains complètement exposés, quand elles avaient en avant ou en arrière d’excellens couverts où elles auraient pu s’abriter. »
Sous Plewna, en effet, on a vu aux prises les deux tactiques contraires du feu lent, méthodique, ajusté, « en jet, » et du feu précipité, désordonné, à la diable, « en averses. » Tous les témoins