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soit la distance et la situation des objets. C’est particulièrement aux exercices de tir, déjà beaucoup trop rares, que cette ignorance et ce défaut de principes sont bien sensibles.

Napoléon ne réclame pas moins énergiquement. A différentes reprises, il insiste sur cette vérité : « Il ne suffit pas que le soldat tire, il faut qu’il tire bien. » Il veut assister en personne aux exercices à balle : on le voit (6 avril 1807) faisant venir les velites de la garde dans son jardin, où il a fait dresser une cible dont il a donné lui-même les dimensions. Ce soin minutieux des détails qu’il portait partout, il l’applique à déterminer les distances exactes auxquelles il conviendra d’exercer la troupe. Au retour d’une visite qu’il venait de faire à l’Ecole de Saint-Cyr, il témoigne au ministre de la guerre le mécontentement qu’il a éprouvé en constatant qu’on ne s’y exerçait pas au tir : « J’entendais qu’un élève sortant de l’Ecole militaire tirât comme un chasseur baléare, écrit-il. Il faut que chaque élève use dix cartouches à balle par jour en tirant au but et apprenne à manier son fusil... Qu’une cible soit établie sous quarante-huit heures. » « Il faut s’attacher à faire tirer beaucoup, individuellement, dit-il ailleurs, et donner un léger encouragement aux plus adroits. » Aussi, le 23 juillet 1813, prescrivait-il au prince de Neufchâtel et de Wagram, major-général de la Grande Armée, de donner des ordres en conséquence et d’attribuer des gratifications de 3, 6, 12 et 20 francs aux meilleurs tireurs des compagnies, des bataillons, des divisions et enfin des corps d’armée. Les maréchaux devaient prescrire tout ce qui était nécessaire pour transformer ces concours en autant de petites fêtes.

Les généraux de l’empire s’accordent également sur ce point. Le général Morand insiste tout particulièrement sur la nécessité d’un bon enseignement du tir. Pour arriver à ce résultat, dit-il, « qu’importe la dépense? En effet, il faut ou n’avoir point d’armée ou n’en avoir qu’une bonne capable de défendre le pays et d’intimider ses ennemis. » On pourrait prolonger les citations à perte de vue. Nous nous contenterons d’en ajouter une seule, parce qu’elle est topique, émanant d’un contemporain qui a autorité en la matière autant par ses fonctions spéciales que par les études de toute sa vie et aussi par sa nationalité. Le colonel suisse Rodolphe Schmidt, directeur de la fabrique fédérale d’armes, termine par ces mots le livre capital qu’il a consacré à l’étude des armes portatives :


À cette question : « Quel est le meilleur des modèles de fusils qui ont été adoptés récemment? » on doit répondre que tous ils répondent aux conditions exigées pour le fusil d’infanterie de l’époque actuelle, les uns présentant des avantages plus marquans dans un sens, les autres dans un autre. L’impossibilité de réunir dans un seul