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dans la zone de la mer qui, comme nous l’avons vu, se maintient à la température uniforme de 4° 17. Ceux qui, pourvus d’une vessie natatoire, peuvent vivre à des profondeurs de 500 mètres à 1,500 mètres et supporter des pressions de 50 à 150 atmosphères, s’éloignent du littoral et cherchent dans les fonds cette température constante. Ils y restent engourdis, jusqu’à ce que le milieu ambiant en s’échauffant les rende à la vie ; ils remontent alors affamés à la surface et s’approchent des rivages, où l’abondance de la nourriture les dédommage du jeûne prolongé auquel ils ont été soumis. Ceux qui, privés de vessie natatoire, ne peuvent s’enfoncer dans les eaux s’avancent au nord pour trouver la même zone isotherme qui, vers le 56e degré de latitude, affleure à la surface. Au printemps, ils suivent la marche inverse pour revenir dans leurs parages accoutumés. Au nombre des premiers sont la morue, le hareng, la sardine et l’anchois ; au nombre des derniers, le thon et le maquereau de l’océan. Ainsi, ce qui détermine pour ces poissons le lieu de leur station d’hiver, c’est le besoin instinctif d’un milieu à température constante, assez basse pour produire l’engourdissement, assez élevée pour ne pas amener la mort. En eaux plus chaudes, ils conserveraient l’énergie de leurs mouvemens et l’impérieux besoin d’une alimentation réparatrice qui leur ferait défaut ; ils mourraient de faim ou se détruiraient mutuellement ; en eaux plus froides, ils périraient indubitablement. Les migrations des poissons sont périodiques, mais elles sont variables, et, sans qu’on puisse s’expliquer pourquoi, elles se dirigent tantôt vers un lieu, tantôt vers un autre. On suppose que c’est l’absence d’ennemis ou l’abondance de nourriture qui détermine leur itinéraire. Ce qui tend d’ailleurs à le faire supposer, c’est que ces poissons ne traversent jamais les océans, mais suivent toujours dans leur marche les rivages et les contours des continens.

A côté des poissons migrateurs, il y a les poissons sédentaires qui habitent certaines mers et ne vivent en troupe que pendant leur jeune âge. Parmi ces espèces les unes stationnent plus particulièrement près du littoral, les autres restent plus au large, sans cependant habiter jamais les grandes profondeurs ; elles fraient toutes à proximité des rivages. Celles qui entrent pour la plus grande-part dans la consommation générale sont : le bar commun, le rouget, le surmulet, la dorade, le muge, le merlan, la plie, la limande, le turbot, la barbue, la sole, la murène, la raie, la lamproie, etc., elles habitent à la fois l’océan et la Méditerranée, quoique parfois plus abondans dans Tune que dans l’autre.