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parce qu’elle est la rude école à laquelle s’aguerrissent nos marins si courageux et si dévoués, qui forment une des assises de la grandeur de la France. On sait que cette pêche est réservée à ceux qui figurent sur les registres de l’inscription maritime et que tout individu qui s’y livre est inscrit d’office sur ces registres. Il n’est fait d’exception que pour ceux qui ne naviguent pas et qui, comme les ostréiculteurs, exploitent le littoral sans quitter la terre.

L’inscription maritime a été instituée par l’ordonnance royale de 1681 ; c’est une création de Colbert, dont la vigilance s’étendait sur tout ce qui pouvait contribuer à la gloire et à la richesse du pays. Modifiée dans ses détails par divers actes postérieurs, notamment par la loi du 3 brumaire an IV, les décrets du 27 février 1866 et du 30 décembre 1872, cette institution s’est maintenue jusqu’à nos jours, malgré les efforts que les gens à courte vue ont faits pour la détruire. C’est à elle que nous devons l’admirable organisation de notre marine et le personnel d’élite qui la compose. Elle a pour objet de mettre à la disposition de l’état, toutes les fois qu’il le réclame, tous les citoyens qui se livrent à la pêche ou à la navigation. Elle comprend tous les marins de dix-huit à cinquante ans ; mais, à moins de besoins extraordinaires, le service exigé d’eux ne dépasse pas trois années. Cette obligation, que certains écrivains n’ont pas craint d’appeler le servage de mer, et dont ceux-ci peuvent d’ailleurs s’affranchir en renonçant à leur métier, a perdu le caractère exceptionnel qu’elle avait autrefois, depuis que la loi astreint tous les hommes valides au service militaire jusqu’à l’âge de quarante ans. Elle n’est pas d’ailleurs sans compensation. Les marins, en effet, même lorsqu’ils ne sont pas au service de l’état, bénéficient de l’institution de la caisse des invalides de la marine, qui leur assure des pensions dans leurs vieux jours, ainsi qu’à leurs femmes et à leurs enfans en cas de malheur, et qui est pour eux une véritable banque, puisqu’elle reçoit en dépôt toutes les sommes auxquelles ils ont droit. Ils trouvent dans l’administration de la marine un appui constant et une bienveillance qui se traduit souvent par des avances de fonds pour l’amélioration de leur matériel de pêche ou pour son remplacement en cas de sinistre. Enfin, ils jouissent, comme nous l’avons dit, du monopole de la pêche maritime. Il faut croire que ces avantages leur paraissent suffisans puisque le nombre des inscrits ne cesse de s’accroître : en 1825, il était de 94,000 ; en 1840 de 110,000 ; en 1869 de 180,000 ; il est aujourd’hui de 190,000.

Les inscrits n’ont, pour se livrer à la pêche, à payer ni droit ni patente, et, en pleine mer, ne sont astreints à aucune restriction. Il n’en est pas de même le long des côtes, ou, sur la zone de 3 milles (5,556 mètres) de largeur qui limite les eaux nationales, l’autorité