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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La liquidation du 15 décembre a vu dégénérer en une véritable panique la baisse lente et continue qui frappait depuis plusieurs mois nos rentes et presque toutes les valeurs mobilières. Bien que l’argent n’eût pas fait plus défaut à cette liquidation qu’aux précédentes, un profond découragement semblait s’être emparé de la spéculation à la hausse, dont les rares tenans restés sur la brèche ne songeaient plus qu’à abandonner, volontairement ou par impuissance de prolonger la lutte, des positions conservées jusqu’à ce moment avec la plus énergique obstination. C’est dans la journée du 17 que l’on a vu le 3 pour 100 tomber à 74.15, coupon de 0 fr. 75 détaché, l’Amortissable à 76.20, le 4 1/2 à 104.20. Ces cours représentaient environ 2 francs de baisse sur les prix auxquels avait été établie la compensation en liquidation de fin novembre. En même temps, le Suez reculait à 1,825, le Crédit foncier à 1,155, le Lyon à 1,180, le Nord perdait le cours rond de 1,700, le Midi celui de 1,100, la Banque de Paris tombait à 775.

Un revirement favorable n’a pas tardé à se produire, provoqué par l’exagération même de la réaction et par l’étonnement que causait au parti de la baisse la facilité même de son succès. Alors que ce parti allait sans doute chercher à pousser à fond sa victoire et à en tirer le plus gros bénéfice possible, au risque de ruiner le marché, des achats sont survenus, achats dont la marque d’origine ne pouvait tromper personne sur la puissance de l’intervention qui venait troubler la sécurité du découvert. Le marché a aussitôt repris confiance, et, grâce à l’heureuse nouvelle de la prise de Son-Tay, qui a dissipé les inquiétudes si vives provoquées par le long silence de l’amiral Courbet, il a suffi de quelques séances aux nouveaux acheteurs pour relever sensiblement les cours et préparer une liquidation de fin d’année moins désastreuse qu’on n’avait pu l’appréhender après celle du 15 décembre.

Comme il arrive dans les journées de reprise où le marché renaît à l’espoir, les bonnes nouvelles ont surgi de tous côtés, aussi nombreuses que les mauvaises qui circulaient la veille. On a parlé de l’ajournement probable de l’emprunt à cinq ou six mois ; on a même dit que cet emprunt pourrait bien ne pas avoir lieu, l’état négociant avec une de nos plus grandes puissances financières l’aliénation de son réseau