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anciennes ; mais elles courront, les louis pour 14 livres au lieu de 11 liv. 10 sols, et les écus pour 3 liv. 12 sols au lieu de 3 liv. 2 s. La réformation, sans refonte, devra être effectuée dans un délai de trois mois durant lequel les anciennes espèces resteront à 11 liv. 10 sols et 3 liv. 1 sol ; mais elles seront reçues avec bénéfice par les monnaies, les changeurs et les caisses publiques, à 11 liv. 14 s. et 3 liv. 3 sols. La réforme monétaire de 1693 présenta dans sa marche et dans son développement les mêmes circonstances que celles de 1689 : elle s’effectua encore moins rapidement, et il fallut plus d’une fois prolonger les délais, ce qui avait pour effet d’enlever plus longtemps une partie du numéraire à la circulation. À la fin de 1693, les Monnaies avaient réformé et émis 93,928,000 livres d’espèces nouvelles, 353,473,000 liv. à la fin de 1694, 401,700,000 l. à la fin de 1695 : les comptes donnent à la fin de 1699 un total de 483,240,000 livres ; mais, à cause de la variation de valeur des espèces, ces 483 millions ne contenaient qu’une quantité d’or et d’argent égale à celle que contenaient 402 millions seulement au temps de Colbert. Si donc la France avait, à cette époque, 500 millions de numéraire, près d’un cinquième avait échappé à la réforme, soit qu’il eût été enfermé et conservé dans les caisses privées, soit plutôt qu’il eût été réformé par l’industrie privée, qui s’efforçait de réaliser le bénéfice que donnait l’opération en portant les espèces à l’étranger pour les y transformer et les réimporter ensuite, soit même en les transformant secrètement en Fiance. La Hollande ne put se livrer à ce trafic à cause de la guerre ; mais, en Suisse et en Allemagne, le billonnage n’avait pas d’obstacle. Aussi les rigueurs redoublèrent contre l’exportation et la transformation des monnaies.[1].

À la même époque, on procédait bien différemment en Angleterre. Les monnaies y étaient dans un grand désordre, parce que leur mauvaise fabrication avait facilité l’industrie des rogneurs. Au plus fort de la guerre, en 1695, le gouvernement anglais, dirigé par le chancelier de l’échiquier, le comte de Montague, et conseillé par des hommes tels que Locke et Newton, entreprit de refondre ses monnaies et prit toute la perte à sa charge. Ce fut le salut de l’Angleterre, car ce fut le crédit et la confiance ne tardant pas à remplacer le discrédit général qui menaçait toutes les affaires. On lit dans la

  1. Dès le 28 novembre 1693, une déclaration avait défendu de faire aucun trafic ou billonnage à peine de confiscation et d’amende, et de peines corporelles en cas de récidive, elle punissait de la confiscation et de la mort tous ceux qui exporteraient espèces ou matières sans une permission écrite du roi : ces pénalités excessives furent souvent appliquées. (Voir au t. I de la Correspondance du contrôleur-général avec les intendans, les no 1296, 1299, 1411, 1726, 1813, et au t. II, les no 210, 311, 314, 320, 380, 417, 457 et passim.)