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plus souvent traitées. La mer, encadrée à gauche par une enfilade de palais, à droite par des vaisseaux et des barques, vient expirer sur le rivage, qu’animent des figures assez nombreuses de promeneurs, de matelots et de portefaix. A l’horizon, dans un ciel calme, déjà rougi par les lueurs du couchant, le soleil, sur le point de disparaître, colore de ses derniers reflets la mer où il va plonger, et les embarcations, les édifices placés à différens plans et les flots eux-mêmes, à proportion de leur éloignement, s’imprègnent de plus en plus de sa chaude lumière. Le tableau cependant n’a pas l’ampleur d’exécution que Claude montrera plus tard. Consciencieuse et suivie, la facture est restée un peu sèche, et les architectures plates, froides et uniformes manquent aussi de consistance. D’ailleurs, ainsi que le remarque Mme Pattison, des restaurations malencontreuses ont altéré cette peinture et dépouillé le coloris de sa fraîcheur habituelle.

Avant ces deux tableaux, on croit que Claude avait peint pour M. de Béthune, ambassadeur de France à Rome, deux autres petits paysages que possède également le Louvre : la Vue d’un port et le Campo-Vaccino (numéros 219 et 220), dont Mme Pattison fait remonter la date jusqu’à l’année 1630 et pour lesquels elle nous semble un peu sévère. S’il est, en effet, probable que le Campo-Vaccino a dû précéder l’eau-forte qui en est la reproduction, nous ne voyons pas la nécessité, cette eau-forte étant datée de 1636, de reporter au-delà de cette date celle du tableau dont il est d’ailleurs aujourd’hui bien difficile d’apprécier la valeur, à raison des détériorations et des vernis roussâtres qui en compromettent l’aspect. Quant à la Vue d’un port, dans laquelle, pour plaire à son noble client et marquer la destination de son œuvre, Claude a peint les armes de France sur les pavillons des navires qui occupent la droite de la composition, loin d’avoir quelque critique à en faire, nous trouvons que ce petit bijou est, au contraire, une merveille de poésie et l’un des chefs-d’œuvre du maître. La disposition en est charmante et, dans cet espace restreint, il a su déployer les plus attrayantes perspectives de ses horizons pleins d’étendue et de lumière. Une ombre projetée par les vaisseaux sur la partie moyenne de la mer fait valoir par sa coloration vigoureuse la légèreté des fonds et la transparence ensoleillée du flot qui, avec un mince ourlet d’argent, vient mollement expirer sur la grève.

Si les années d’apprentissage et de jeunesse avaient été dures pour ce pauvre enfant de la Lorraine, qui, seul, sans appui, sans ressources, avait quitté sa patrie, si avec son caractère naïf et confiant, il était plus qu’un autre exposé à de cruels mécomptes, cependant grâce à sa ténacité, à son esprit d’ordre et de stricte économie, il commençait à connaître des jours meilleurs. Quand, en 1635,