Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que par l’antagonisme, aujourd’hui suspendu, de Marie-Thérèse et de Frédéric : la réunion de toute l’Allemagne et, s’il se pouvait, de toute l’Europe dans une action commune contre la France. Arracher à Marie-Thérèse quelques concessions de territoire en Allemagne en faveur de Charles YII ou au moins la reconnaissance de son titre impérial, obtenir en échange, de l’empereur lui-même, l’abandon de tout le reste de ses prétentions sur les états autrichiens, satisfaire aussi par quelques avantages nouveaux et un traité définitif le Piémont, dont l’alliance était toujours douteuse ; faire consacrer ces arrangemens par une diète solennelle et courir ensuite tous ensemble sus à l’envahisseur du territoire germanique : telles étaient les bases de la coalition nouvelle que les agens anglais étaient chargés de proposer, chacun pour sa part, à la cour auprès de laquelle ils étaient accrédités. C’était le thème commun que devaient plaider Robinson à Vienne, Stairs à La Haye, et à Francfort un gendre de George II, le prince de Hesse, engagé dans les troupes impériales, enfin Hyndfort à Berlin, car on se flattait d’entraîner dans l’entreprise Frédéric lui-même et de le faire sortir, par l’appât de conquêtes nouvelles, de la neutralité où il avait annoncé le dessein de s’enfermer. Le but poursuivi n’était pas moins (le ministre Carteret le disait très haut) que d’enlever à la France tout ce qu’elle avait acquis depuis un siècle, et de la réduire aux limites antérieures à la paix des Pyrénées. Il y avait là une riche perspective de dépouilles sur laquelle chacun pouvait compter en espérance pour satisfaire ses convoitises ou se payer de ses sacrifices. Mais, à côté de ce plan peut-être un peu trop gigantesque pour être réalisable, d’autres étaient en circulation, qui, plus facilement applicables, pouvaient d’un moment à l’autre amener des complications nouvelles. Un petit souverain ecclésiastique, par exemple, l’évêque de Wurtzbourg, entreprenait de persuader à Charles VII qu’il devrait prendre lui-même l’initiative de renvoyer les Français d’Allemagne et de remettre à la diète la connaissance et la décision de tous ses différends avec Marie-Thérèse, l’assurant que ce grand acte de patriotisme servirait mieux sa cause que toutes les armées du monde. La proposition, à peine connue, était accueillie dans toute l’Allemagne avec une grande faveur. D’autres, au contraire, rêvaient la réconciliation des deux grandes puissances catholiques et une alliance franco-autrichienne, conclue sur place aux dépens de Frédéric, par la reprise immédiate de la Silésie. Tous ces faiseurs de projets se disputaient et se dénonçaient les uns les autres. C’était vraiment la confusion des langues diplomatiques[1].

  1. Droysen, t. II, p. 16, 18. — D’Arneth, t. II, p. 114 et 115. — Blondel à Amelot, 24 juillet, 16 août 1742, de Francfort. (Correspondance d’Allemagne. Ministère des affaires étrangères.) — Pol. Cor., t. II, p. 240, 248, 249. — Coxe, House of Austria, t. II, chap. CIII.