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dit : Cela ne doit pas nous arrêter ; nous tendrons la main, et avec l’aumône des riches, nous soignerons, nous sauverons les enfans des pauvres. Une fois la résolution arrêtée, on partit en quête.


II. — LE CHATEAU DE VILLEPINTE.

On fut bien inspiré lors des premières démarches ; le début fut heureux. On s’adressa à une femme qui est une grande dame que je n’ai point à nommer, quoique sa main, — sa main d’or, diraient les Arabes, — s’aperçoive partout où l’on fait du bien. Par son père et par son mari, elle appartient aux familles historiques de France : Ante mare undœ, dit sa devise paternelle ; Ferro non auro, répond la devise conjugale ; l’une et l’autre ont eu des heures glorieuses. Les sœurs quêteuses n’eurent point de déconvenue ; l’offrande ressemblait à une largesse. L’impulsion était donnée ; elle fut féconde, car elle partait de haut. Les femmes s’empressèrent, elles entraînèrent les hommes, et bientôt une somme fut réunie, qui permit d’entreprendre un premier essai. Dès l’abord, une difficulté se présenta ; on ne pouvait songer à établir une infirmerie de poitrinaires à Paris, mais il fallait l’installer tout près de la maison mère, presque dans la banlieue, afin de pouvoir rester en communications quotidiennes et faciles. Après quelques recherches, on loua quatre petits pavillons à Livry, dont Mme de Sévigné disait à sa fille : « Je comprends mieux que personne les sortes d’attachement qu’on a pour les choses insensibles et, par conséquent, ingrates ; mes folies pour Livry en sont de belles marques. » Quatre pavillons : je répète ce que j’ai entendu dire, mais je n’en crois rien. Le souvenir excelle à parer les choses, à les agrandir, et j’imagine que les quatre pavillons étaient quatre maisonnettes, où l’on se casa, vaille que vaille. La supérieure couchait dans le grenier, sous les tuiles disjointes ; pendant les nuits pluvieuses, elle ouvrait son parapluie. On put rassembler là une quinzaine de malades ; c’est tout ce que permettait la dimension des quatre pavillons, et encore faisait-on des chambrées trop nombreuses. On était tellement à l’étroit, que l’on en était réduit à devenir inhospitalier et à refuser d’encombrer encore plus une maison déjà trop peuplée. On avait un jardin, on y séjournait toutes les fois que la température était tolérable ; les pauvres petites aspiraient à pleins poumons l’air des champs, qui ne ressemble en rien à l’haleine empestée de Paris. On comprenait cependant que ce n’était là qu’une étape, et que si l’œuvre voulait prospérer, elle devait échapper au milieu trop resserré qui menaçait de l’étouffer.

Des gens de bien se réunirent, — il en est beaucoup à Paris, — et voulant féconder l’œuvre qu’ils avaient déjà aidée à naître,