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poussière apportée par cette foule, celle qui sort des tapis, celle encore plus ténue qui provient des tissus de toute sorte, le gaz qui déverse ses résidus de combustion, tout contribue à développer les maladies des voies respiratoires chez des femmes surexcitées par l’ardeur nerveuse mise à la vente et épuisées par la station debout qui est la nécessité même de leur profession. Comment l’anémie n’exercerait-elle pas ses ravages chez elles, malgré la bonne nourriture par laquelle on les soutient, malgré les ressources que leur apporte un gain quotidien supérieur à celui des ouvrières et des autres femmes vivant du produit de leur travail ? Beaucoup viennent de province et sont dans un isolement d’autant plus périlleux qu’elles ont sous les yeux toutes les séductions du luxe, et qu’elles sont constamment en relations avec des jeunes gens pour les mille nécessités du service. Vient la maladie ; point d’épargne, l’abandon, l’hôpital qui vous rejette à peine convalescente sur le pavé pour faire place à d’autres, le retour prématuré au travail afin d’avoir de quoi manger et gîter, les rechutes et la ruine définitive de la santé, sinon de la vie. À ces êtres jeunes qui ont besoin d’un asile pour le cœur autant que pour le corps, il faut ces autres femmes qui voient en elles des sœurs et les aiment pour l’amour de Dieu. Que demande-t-on à Villepinte ? Une profession de foi religieuse ? Non ; une adhésion à des statuts ? Pas davantage ; rien que d’épargner à la maison toute manifestation inconvenante et de se laisser soigner de bonne grâce. Silence sur le passé, bon vouloir pour le présent, espérance pour l’avenir, voilà tout ce qu’il faut aux Dames de Marie-Auxiliatrice. Elles nous ont fait un bien énorme et ont déjà sauvé plus d’une de nos demoiselles malades. » Lorsque j’ai visité la maison de Villepinte, deux demoiselles de magasin y étaient en pension et ne semblaient point s’y déplaire.

La maison a beau être un château, elle est trop étroite pour loger les jeunes poitrinaires, les pensionnaires, les religieuses, les filles de service ; si l’on en était réduit aux dortoirs et aux chambres de l’asile proprement dit, il faudrait renvoyer la moitié des malades. Pour parvenir à les loger, on a utilisé les bâtimens d’une ancienne ferme qui se lézardent un peu et qui ont appartenu à l’exploitation du domaine. Vainement on a réparé les murs, soutenu les plafonds par des étais, badigeonné les couloirs au lait de chaux, c’est vieux et d’aspect triste ; cela ressemble à une maladrerie. Tout est de guingois, comme l’on disait jadis. Les couloirs sont des échelles de meunier, le sol est en terre battue, de gros poêles en fonte indiquent que la température n’y est pas clémente. C’est du reste une simple annexe, on ne fait qu’y coucher. La cour a de l’animation, les volailles picorent le fumier, les pigeons roucoulent sur le