Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phtisie qui s’en empare aux dernières heures des transformations. Dès lors, elle résolut de consacrer une somme de quelque importance à la fondation d’un asile où les petites filles âgées de quatre à douze ans, affligées de constitution douteuse, passibles, dans l’avenir, d’une affection de poitrine, seraient recueillies, élevées, instruites, surveillées et soignées de telle sorte qu’elles pourraient traverser les années futures sans préjudice trop grave. Le 14 octobre 1883, une convention intervint entre elle et les Sœurs de Marie-Auxiliatrice.

La grange de la ferme fut aménagée pour sa destination nouvelle ; le 1er décembre 1883, l’asile put recevoir les premières élèves. Lorsque je l’ai visité, j’y ai compté dix petites filles. La disposition des salles est excellente ; Hector Lefuel n’aurait pas mieux fait. Le dortoir est immense et le cube d’air réservé à chaque enfant est considérable. Là aussi, comme pour l’Œuvre des poitrinaires, on peut fonder des dits ; là aussi les noms des donateurs sont inscrits sur la muraille : toujours les mêmes ! La jeune fille malade, l’enfant affaibli les apprend, les garde dans son souvenir, et sait vers qui doit remonter sa gratitude. Les baies énormes s’ouvrent au midi et pendant les belles journées laissent pénétrer les effluves du soleil et de la verdure : oxygène abondant, senteur des arbres, c’est ce qu’il faut à ces petites poitrines étroites et bombées, qui n’ont rien de rassurant pour l’avenir. A côté du dortoir, une large pièce sert de lavabo : c’est le mieux outillé que j’aie vu dans les maisons charitables que j’ai visitées. Là on semble avoir compris que la propreté, — j’entends la propreté méticuleuse, — est une des conditions primordiales de la santé, et qu’elle doit être l’emblème extérieur de la moralité. L’eau, le savon, la brosse et les éponges font leur office, je m’en sais aperçu en pénétrant dans la salle où les enfans étaient rassemblées. Elles sont proprettes, bien peignées, bien chaussées et portent des vêtemens où je n’ai remarqué ni trous ni pièces, ce qui est rare chez des bambines auxquelles on laisse toute la liberté compatible avec leur âge.

La sœur de Marie-Auxiliatrice qui les dirige est jeune et gaie ; s’il ne convenait d’être réservé en parlant des religieuses, je dirais qu’elle est charmante. Cela est indispensable avec les petits enfans, qui, bien plus qu’on ne l’imagine, tombent en tristesse lorsqu’on ne sait pas les intéresser à un récit, à un jeu, ou à une occupation appropriée. C’est pour cela que les aptitudes de pédagogue se rencontrent si difficilement, car tout l’art d’enseigner consiste à savoir instruire en amusant ; à Villepinte, on y fait effort, si j’en crois les joujoux rangés sur les étagères, les livres d’images répandus sur les tables et qui sont le don gracieux d’une grande