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énorme et les pelouses en sont vastes : beau terrain pour bâtir, comme disent les affiches. C’est le rêve des religieuses. Sera-t-il réalisé ? Les plans sont dessinés, je les ai vus. La mère supérieure aime à les montrer et ses yeux flamboient d’espérance lorsqu’elle en détaille l’économie. Son doigt, se promène sur les lignes rouges ; elle explique, elle commente le projet de l’architecte : ici seront les dortoirs ouverts à la double action du calorifère et des ventilateurs, de façon à être vivifiés d’un air toujours renouvelé, sans perdre cependant la tiède atmosphère indispensable aux faibles poitrines ; là seront les chambres de respiration, comme dans les hôpitaux que l’Angleterre a édifiés pour les phtisiques ; au milieu s’élèvera la chapelle ; les services accessoires seront répartis dans les sous-sols. L’asile futur doit être, — il sera, — l’hospice modèle spécialement aménagé pour les poitrinaires, selon toutes les prescriptions de l’hygiène, qui est une science nouvelle, et selon tous les acquis de l’expérience médicale, qui apprend chaque jour à ne point désespérer de son pouvoir. « Quelle joie pour nous, me disait une jeune sœur, si nous pouvions ne jamais refuser une malade ! »

Certaines œuvres, dont j’ai déjà parlé au lecteur, ont eu des débuts plus modestes et se sont dilatées dans des proportions inexprimables ; les Petites-Sœurs des Pauvres sont là pour le démontrer. L’Œuvre des jeunes poitrinaires n’a pas encore quatre ans d’existence et déjà elle a prouvé ce qu’elle peut faire. Non-seulement elle est assurée de vivre, mais elle se développera et deviendra considérable parce qu’elle est destinée à combattre un péril toujours aigu : la production presque indéfinie de la phtisie dans les centres trop populeux. Le personnel est prêt et son dévoûment n’est pas à mettre en doute. Ce qui lui manque à l’heure présente, c’est un asile suffisamment spacieux pour y recueillir les victimes, du mal sans pitié qui frappe la jeunesse et la couche au tombeau. Ce n’est qu’une question d’argent, question fort grave et que la communauté des sœurs de Marie-Auxiliatrice est incapable de résoudre. Plus on est actif au bien, plus on est pauvre, et l’on viderait toutes les escarcelles dans la maison de la rue de Maubeuge que l’on n’y trouverait pas de quoi acheter un moellon. C’est donc la charité privée qui sera invoquée et qui répondra, car Paris n’est jamais sourd aux appels de la bienfaisance. Le sacrifice devra être important, mais il a de quoi tenter les cœurs haut placés. Un millionnaire qui se passerait cette fantaisie ferait un acte grandiose et mériterait bien de l’humanité.


MAXIME DU CAMP.