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dernières une philosophie de l’histoire. La métaphysique de 1828 est celle que nous avons déjà plusieurs fois exposée et résumée. Nous en signalerons seulement les parties nouvelles et nous nous attacherons seulement à y démêler l’influence hégélienne. Voici les points les plus importans : 1° l’idée même de la philosophie ; 2° les rapports de la philosophie et de la religion ; 3° la réduction de toutes les idées de la raison ; 4° la théorie de la raison impersonnelle et de l’intelligence divine ; 5° la théorie de la création.

Sur l’objet même de la philosophie, Cousin adopte et expose la doctrine de Hegel ; c’est que la philosophie est en quelque sorte, selon l’expression d’Aristote, la pensée de la pensée : elle est la pensée qui se prend elle-même pour objet. « Les idées, dit Victor Cousin, sont la pensée sous sa forme naturelle ; .. elles ont cela de propre d’avoir un sens immédiat pour la pensée et de n’avoir besoin pour être comprises d’autre chose que d’elles-mêmes. Leur caractère est d’être la forme adéquate de la pensée, c’est-à-dire la pensée elle-même se comprenant et se connaissant. Or la pensée ne se comprend qu’avec elle-même. Ce n’était qu’elle encore qu’elle comprenait dans les sphères inférieures que nous avons parcourues (industrie, science, art, législation, religion) ; mais elle s’y comprenait mal parce qu’elle s’y apercevait sous une forme plus ou moins infidèle ; elle ne se comprend bien qu’en se ressaisissant elle-même, en se prenant elle-même pour objet. Arrivée là, elle est arrivée à la limite ; elle ne peut se dépasser elle-même, car avec quoi se dépasserait-elle ? Ce ne pourrait être encore qu’avec la pensée. La philosophie dégage la pensée de toute forme extérieure ; elle est l’identité du sujet de la pensée et de son objet, l’identité absolue de la pensée se prenant elle-même pour terme de son action… La philosophie est l’élément interne, l’élément abstrait, l’élément idéal, l’élément réfléchi, la conscience la plus vive et la plus haute d’une époque. »

Cette haute idée de la philosophie nous fait pressentir ce que sera pour Cousin la théorie de la religion. Si la pensée ne peut se dépasser elle-même, au-delà de la pensée il n’y a rien : la foi sera un degré de la pensée, mais un simple degré, et la philosophie sera supérieure à la religion. Déjà, dans plusieurs des cours précédens, Cousin avait plusieurs fois invoqué les dogmes chrétiens comme des symboles qui expriment des vérités métaphysiques ; mais ce n’étaient là que des rapprochemens accidentels. Ici il élève ces rapprochemens à la hauteur d’une théorie. « La philosophie et la religion ont le même objet ; seulement, ce que la religion exprime sous forme de symboles, la philosophie l’éclaircit et le traduit en pensées, en vérités pures et rationnelles. Le christianisme est la philosophie des masses : la philosophie est la lumière des lumières, l’autorité des