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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/894

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sœurs. Presque jamais un Coréen de bon ton n’aura une conversation suivie avec sa propre femme, qu’il regarde comme étant infiniment au-dessous de lui. Après le mariage, les femmes nobles sont inabordables. Presque toujours consignées dans leurs appartemens, elles ne peuvent ni sortir, ni même jeter un regard dans la rue, sans la permission de leur mari. Cette séquestration est portée si loin que l’on a vu des pères tuer leurs filles, des maris tuer leurs femmes, et des femmes se tuer elles-mêmes, parce que des étrangers les avaient touchées du doigt. Des libertins profitent de cette réclusion pour violenter les femmes en l’absence de leurs époux : elles se taisent par crainte de la mort ou d’un effroyable scandale. Il est aussi des usages qui viennent évidemment de la liberté des mœurs et du mépris qu’on a pour le sexe faible. Ainsi, les femmes non mariées ont le droit de pénétrer partout, de circuler en tous les temps dans les rues de la capitale, même la nuit, tandis que, depuis neuf heures du soir, moment où la cloche donne le signal du couvre-feu, jusqu’à deux heures du matin, aucun homme ne peut sortir sans s’exposer à une forte amende.

Lorsque les enfans ont atteint l’âge de puberté, ce sont les parens qui les marient, sans les consulter ; les filles ne peuvent se marier avant vingt ans. Le plus souvent le père d’un garçon se met en relation, de vive voix ou par correspondance quelquefois, avec le père d’une fille ; on discute les conditions du contrat, on marque l’époque qui semble la plus favorable pour le mariage d’après les calculs des devins et des astrologues, et cet arrangement est définitif. La veille ou l’avant-veille du jour fixé pour la cérémonie, la fiancée invite chez elle une de ses amies pour lui relever les cheveux qu’elle a portés jusque-là en tresses flottantes sur les épaules ; le jeune homme, de son côté, appelle l’un de ses parens pour lui rendre le même service. Tant que l’on n’est pas marié, eût-on trente ans, on est considéré comme un enfant auquel toutes les folies sont permises, et l’on doit conserver les cheveux nattés et tombans. Après que les chevelures ont été relevées par le mariage, les hommes les portent nouées sur le sommet de la tête, un peu en avant ; mais en si petite quantité qu’il n’y en a pas plus gros qu’un œuf. Les femmes mariées font tout le contraire ; elles se procurent de faux chignons afin de grossir autant que possible les deux tresses qui, pour elles, sont de règle stricte.

Quand arrive le jour du mariage, on prépare dans la maison de la jeune fille une estrade plus ou moins élevée, ornée avec tout le luxe possible : les parens et les amis s’y rendent en foule. Les futurs époux, qui ne se sont jamais vus, sont amenés solennellement sur l’estrade et placés l’un en face de l’autre. Ils y restent quelques minutes, se saluent sans mot dire, puis se retirent chacun de