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travailler au succès de la cause libérale ? Ajoutera cela ce qu’il mit de talent personnel dans ces travaux, par exemple dans les Argumens de Platon, dont le style mâle, large et entraînant, est d’une qualité supérieure même à ce qu’il a écrit plus tard lorsqu’il a voulu systématiquement être un écrivain ; lisez aussi tel ou tel passage de la traduction presque digne de Platon pour la beauté du langage, par exemple le discours de Calliclès, dans le Gorgias, ou le portrait du philosophe dans le Théètète. Son Proclus fut fort attaqué, et un. barbarisme célèbre mis en tête du premier volume fit la joie de l’Allemagne[1]. Lui-même a reconnu plus tard avec bonne grâce son inexpérience en philologie : mais Proclus n’en fut pas moins publié et donna l’élan aux études ultérieures sur l’école d’Alexandrie. Passionné alors pour cette école, dont les doctrines analogues à celles de l’Allemagne, avaient une conformité avec les siennes propres, Cousin consacra en outre, dans le Journal des savans d’alors, une série de travaux à Proclus et à Olympiodore, et, en particulier, donna de celui-ci l’analyse de plusieurs commentaires inédits.

Ce ne sont là que des travaux d’érudition, quoique liés à une pensée philosophique, la résurrection des doctrines alexandrines : mais c’est surtout en 1828 et 1829 que Cousin exposa en chaire les principes généraux de sa doctrine sur l’histoire de la philosophie. Le cours de 1828 ne doit pas être considéré isolément, séparé de celui de 1829. Il est une introduction générale à l’histoire de la philosophie. Celle-ci n’a donc pas été seulement pour lui un objet spécial d’érudition et de curiosité : ce n’est qu’une partie de l’histoire générale ; et l’histoire de la philosophie se rattache à la philosophie de l’histoire. L’éclectisme en histoire de la philosophie n’est que le contre-coup de l’optimisme dans la philosophie de l’histoire ; enfin, l’histoire en général ayant pour objet le développement des idées, l’histoire de la philosophie est en quelque sorte le point culminant de l’histoire elle-même, parce que les idées y expriment dans leur forme pure ce que les autres élémens de l’histoire n’expriment que sous une forme enveloppée et obscurcie.

Après avoir ramené l’histoire de la philosophie aux principes de l’histoire en général, Cousin aborda l’année suivante la science elle-même : mais avant de s’enfermer dans une époque particulière, il crut devoir, dans une nouvelle introduction, passer en revue l’histoire générale de la philosophie. Ici encore on peut regretter que Cousin, dans ses publications ultérieures, ait brisé le cadre primitif de son enseignement. Il a voulu avoir un livre d’ensemble sur l’histoire de la philosophie, comme il avait donné dans

  1. Opera Procli recollexit Victor Cousin.