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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/136

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curieuses sur le cartésianisme, comprenant deux volumes avec je ne sais combien de pièces inédites, — lettres de Descartes, de Malebranche, de Leibniz, curiosités cartésiennes de toute nature, etc. Le morceau le plus important de cette collection est une Vie très étendue du P. André, intéressante non pas tant à cause du personnage, qui est secondaire, que parce qu’elle donne l’historique détaillé et sur pièces de la persécution que la congrégation de Jésus fit subir jusqu’au milieu du XVIIIe siècle à la philosophie cartésienne. Ainsi, trois volumes d’érudition philosophique, après les hautes généralités de 1828 et de 1829, voilà ce que Cousin fit pour l’histoire de la philosophie pendant le gouvernement de juillet, dans le temps même où il était occupé à l’œuvre capitale de sa carrière active : la fondation et l’organisation de l’enseignement philosophique.

On n’aurait pas cependant le tableau complet des efforts faits par Cousin pour créer en France l’histoire savante de la philosophie si on ne tenait pas compte des travaux exécutés, sinon sous sa direction, au moins et très certainement par son impulsion. L’instrument qui a servi surtout à cette influence de Cousin a été le corps de l’Académie des sciences morales. C’est par cette Académie et, dans l’Académie, par l’organe de la section de philosophie et au moyen des prix proposés et décernés par cette section, que Cousin, d’après un plan poursuivi sans interruption pendant trente-cinq ans, a suscité une suite de savans ouvrages, dont quelques-uns sont éminens et qui, réunis, forment une histoire complète de la philosophie. C’était Cousin, comme président de la section, qui proposait les sujets, et qui jusqu’à la fin de sa vie a rédigé les programmes. C’est ainsi qu’ont été faits les ouvrages suivans, je ne parle que des plus célèbres : l’Essai sur la Métaphysique d’Aristote, de M. Ravaisson ; la Logique d’Aristote, par M. Barthélemy-Saint-Hilaire ; l’Histoire de la philosophie cartésienne, de M. Bouillier ; l’histoire de l’école d’Alexandrie, de M. Vacherot ; l’Histoire de la philosophie scolastique, de M. Hauréau ; l’Histoire de la philosophie allemande, de M. Wilm ; et enfin la Philosophie de Socrate et celle de Platon, par M. Fouillée.

L’idée d’inaugurer la nouvelle Académie par la mise au concours de la philosophie d’Aristote était une idée hardie, mais aussi juste qu’opportune. Depuis la chute de la scolastique, Aristote était resté enseveli sous les ruines qu’avait faites la philosophie cartésienne. Proposer un tel sujet était, comme le dit Cousin dans son rapport, un événement philosophique. On sait quel fut le résultat du concours : un livre admirable qui compte aujourd’hui parmi les plus belles œuvres de la critique philosophique française. Je le demande cependant : un tel concours eût-il pu avoir lieu en 1815 ? Eût-il