l’âme humaine : d’où il suivrait que ce qu’on appelait alors le panthéisme de M. Cousin n’aurait été en réalité que la doctrine toute chrétienne de la Providence. Sur la nécessité de la création, il distinguait avec Leibniz une nécessité physique et une nécessité morale ; il consentait même à retirer cette expression de nécessité et de la remplacer par la convenance ; en un mot, il se réfugiait dans l’optimisme de Leibniz.
En même temps qu’il expliquait dans le sens théiste toutes les propositions panthéistiques de ses premiers écrits, il essayait, par une interprétation analogue, de couvrir et de disculper ce qui avait paru agressif à la religion chrétienne dans plusieurs passages de ses ouvrages. Il affectait de croire que l’opposition de ses adversaires n’était autre que celle de l’école ultramontaine et traditionaliste, ennemie exagérée de la raison naturelle. Il opposait à la doctrine de l’abbé de Lamennais, qui niait toute philosophie, la doctrine traditionnelle de l’église chrétienne, qui avait toujours distingué la raison et la foi, et qui avait toujours reconnu la première comme légitime dans son domaine et dans ses limites. Il essayait de faire croire qu’il n’avait jamais été au-delà de cette distinction et que lorsqu’il avait dit que la philosophie doit éclairer la foi, c’était dans le sens des grands théologiens chrétiens, qui avaient toujours essayé de rendre intelligibles les mystères par quelque analogie avec la raison : fides quœrens intellectum.
Cette Préface de Pascal est la véritable déclaration de principes du nouvel éclectisme. A partir de ce moment jusqu’à sa mort, Cousin n’a fait que l’affirmer de plus en plus. Cependant, il est vrai de dire que ses principales déclarations en ce sens datent surtout de 1853, c’est-à-dire de la troisième édition du Vrai, du Beau et du Bien. La préface de Pascal avait un instant éveillé les espérances des catholiques ; mais nous voyons par la traduction de Gioberti en 1847 par l’abbé Tourneur que ces espérances n’avaient pas paru suffisamment réalisées. Même la première édition du Vrai, du Beau et du Bien, ' en 1846, quoique déjà singulièrement modifiée, avait encore paru assez hétérodoxe. La critique du mysticisme avait été attaquée comme une critique du christianisme. On y parlait encore de la doctrine de la chute comme d’un mythe. C’est surtout dans l’édition de 1853, et dans la préface de cette édition, que l’on vit hautement déclaré le désir de s’entendre avec la religion pour la défense des grandes vérités morales et religieuses[1].
Sans vouloir suivre dans le détail l’histoire des remaniemens, corrections, rétractations de Victor Cousin, prenons la question de plus
- ↑ Voir aussi la fin de la 16e leçon, qui a été également ajoutée dans cette édition de 1853.