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l’Alien-Act et du Sedition-Act. Ces résolutions provoquées par les actes les plus impopulaires de l’administration de John Adams et rédigées par Jefferson pour l’état de Kentucky et par Madison pour l’état de Virginie empruntaient au nom de leurs auteurs une incontestable autorité. Il est donc intéressant d’en bien déterminer le sens véritable et de rechercher dans quelle mesure elles pouvaient justifier les prétentions du Sud. La protestation du Kentucky se terminait en ces termes : « Les états qui adopteront cette résolution s’accorderont pour déclarer ces actes nuls et de nul effet et s’uniront à cette république (commonwealth) pour en demander le rappel à la prochaine session du congrès. » Cette rédaction avait été substituée par la législature au projet primitif de Jefferson, qui affirmait le droit de nullification. Ce ne fut que l’année suivante, à la suite de l’adhésion de plusieurs états et dans toute l’ardeur de la lutte que la législature du Kentucky vota une nouvelle résolution qui renfermait le passage suivant : « Le remède véritable est la nullification par ces souverainetés de tous les actes non autorisés qu’on prétend couvrir de l’autorité de la constitution. « Quant aux résolutions de la Virginie, la forme en était beaucoup plus mesurée et l’on n’y trouvait ni expressément ni implicitement formulée la doctrine de la nullification. Elles se bornaient à déclarer l’inconstitutionnalité des lois sur les étrangers et sur la sédition, ajoutant que tous les états qui adhéreraient prendraient de concert avec la Virginie les mesures nécessaires pour maintenir les droits réservés des états et du peuple. Madison avait tenu dès l’année suivante à bien préciser la portée de ces résolutions dans un long rapport à la chambre des délégués de Virginie et ne leur avait attribué d’autre caractère que celui d’une solennelle protestation soumise à l’adhésion des états voisins. Aussi n’hésita-t-il pas, lorsque les nullificateurs du Sud invoquèrent trente ans plus tard l’autorité de ce précédent historique, à désavouer l’usage qu’ils prétendaient faire de son œuvre. « L’erreur commise dans des commentaires récens des résolutions de la Virginie, écrivait il à Livingston au mois de mai 1830, en le félicitant d’un discours contre la nullification, tient à ce qu’on a négligé de faire une distinction entre ce qui n’a que le caractère d’une déclaration d’opinion et ce qui est exécutoire ipso facto, entre les droits des deux parties et les droits d’une seule des parties, entre les voies de recours ouvertes dans la sphère de la constitution et l’ultima ratio qui en appelle d’une constitution détruite par la violation qu’elle a subie aux droits antérieurs et supérieurs à toute constitution. »

On ne pouvait dire plus nettement que la nullification, bien loin de constituer un mode légal et régulier de résistance, n’était autre chose qu’un acte révolutionnaire et une insurrection contre le