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LE POETE
DON SERAFIN ESTEBANEZ
D'APRES UNE RECENTE PUBLICATION DE M. CANOVAS DEL COSTELLO

Les adversaires politiques de M. Canovas del Castillo conviennent comme ses amis qu’il n’est pas seulement l’un des premiers orateurs de l’Espagne, qu’il joint à l’éloquence les plus précieuses qualités de l’homme d’état et à l’autorité du talent celle du caractère. Ils conviennent aussi que cet homme d’état, qui excelle en bien dire, est un lettré dans toute la force du terme et que ses savantes études sur l’histoire de son pays-auraient suffi pour, lui faire un nom. Quand il quitte le pouvoir, il n’est pas embarrassé de bien employer son temps ; il se plaint même qu’on l’arrache trop souvent à ses laborieux loisirs : « Le démon de la politique, nous dit-il, m’a séduit dès mon jeune âge et a contrarié les goûts les plus décidés de ma vie. » Mais quoi ! on ne résiste pas à son démon, et il ne faut pas dire qu’on lui sacrifie son bonheur. Nous ne pouvons être heureux quand il n’est pas content.

Que le ciel et le roi Alphonse XII en soient loués ! M. Canovas n’est pas redevenu président du conseil avant d’avoir mis la dernière main à la biographie du poète et romancier don Serafin Estebanez, surnommé le Solitaire, né à la un de 1799, mort en février 1867[1]. Il y a de tout dans cette piquante biographie, dont l’auteur a su réunir, dans un agréable mélange, la plus fine critique littéraire et la politique, les pensées graves et les touches légères, l’émotion et un vif sentiment

  1. El Solitario y su Tiempo, biografia de D. Serafin Estebanez Calderon, por don A. Canovas del Castillo. Madrid, 1883.