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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/365

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reconnaissait ainsi que les métaux précieux ont une aptitude spéciale et exclusive au monnayage que la monnaie métallique ne vaut qu’en raison de la quantité d’or et d’argent qu’elle contient, et la monnaie fiduciaire en raison de la quantité d’or et d’argent contre laquelle elle doit toujours être échangée, au gré de ceux qui la détiennent.

Le grand adversaire de Law, Pâris-Duverney, reconnaît que « la banque eut des commencemens favorables ; » mais il ajoute « qu’elle se fût rendue plus utile encore si elle était restée dans les termes de son établissement, et si Law eût réglé sa conduite sur les discours qu’il tenoit sans cesse qu’un banquier seroit digne de mort s’il délivroit des billets ou lettres de change sans avoir la valeur effective en caisse[1]. »

Forbonnais, impartial et judicieux, avait recueilli les souvenirs des contemporains de la création de la banque et il atteste ses premiers succès[2]. « L’influence d’un établissement si sage et si nécessaire se fit aussitôt sentir. La situation de l’état étant violente, chacun cherchoit à s’en tirer et saisit cette nouvelle issue. Les étrangers, pouvant compter sur la nature du paiement qu’ils avoient à faire, consommèrent nos denrées. Les négocians, trouvant à 5 pour 100 l’avance de leurs lettres de change en effets équivalant à de l’argent, recommencèrent leurs spéculations ; les manufactures travaillèrent, les consommations reprirent leur cours ; ceux qui apportaient de l’argent dans le commerce durent suivre le taux d’intérêt dont la banque se contentoit : l’usure cessa. »

Le privilège accordé à la banque ne permettait pas qu’un établissement semblable lui fit concurrence ; mais il n’empêchait pas les négocians d’émettre, sous la garantie de leur signature, des effets au porteur : cette interdiction fut prononcée par un édit spécial qui rappelle et renouvelle d’anciens règlemens et qui n’invoque que des motifs d’intérêt public ; cependant il est difficile de ne pas y voir l’intention de favorisera banque en lui réservant le monopole de l’émission des billets au porteur. L’autorité publique donna un témoignage plus significatif des liens qui l’unissaient à la banque, bien qu’elle ne fût qu’une institution privée, et de la protection qu’elle entendait lui accorder, en ordonnant que les billets seraient reçus comme argent, en paiement des impositions, dans tous les bureaux des recettes et fermes du roi ; et même que tous les comptables et tous ceux qui étaient chargés du maniement des deniers publics acquitteraient à vue et sans escompte les billets qui leur seraient présentés, jusqu’à concurrence des sommes qu’ils auraient

  1. Examen du livre intitulé : Réflexions sur les finances, t. II, p. 206.
  2. Recherches sur les finances, t. II, p. 427.