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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/370

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il semble que le gouvernement ait tenu à associer cette mesure essentiellement populaire à la fondation de la société d’Occident. Les deux édits, avec ceux qui avaient pour objet une loterie, la création de 1,200,000 livres de rente, la vente des petits domaines, furent envoyés ensemble au parlement le 22 août pour être enregistrés. Les chambres assemblées déclarèrent aussitôt qu’elles ne pouvaient donner leur avis sur des actes aussi graves sans une mûre délibération, et elles demandèrent un état détaillé des revenus du roi tant ordinaires qu’extraordinaires et des charges de ces mêmes revenus, et un état des dettes existantes et de la nature de ces dettes. » Cette prétention de pénétrer dans le détail de l’administration des finances fut repoussée avec humeur par le régent, et le parlement, après avoir annoncé avec une certaine hauteur qu’il examinerait les édits « à loisir, » n’enregistra que le 6 septembre celui qui établissait la compagnie d’Occident : ce fut le premier incident d’une lutte qui devait s’aggraver et se prolonger.

Pendant que la compagnie d’Occident emploie les derniers mois de 1717 à former son capital, à s’organiser, à commencer ses opérations, la banque, plus anciennement établie, développe régulièrement ses affaires et sa circulation, et elle termine l’année en réunissant pour la première fois l’assemblée générale de ses actionnaires afin de lui présenter ses comptes. Le régent préside la séance, à laquelle il vient accompagné d’un grand nombre de grands seigneurs, actionnaires comme lui. L’assemblée arrête à 7 1/2 pour 100 le dividende du dernier semestre et décide que l’escompte fixé jusque-là à 5 pour 100 sera réduit à 4 à dater du 1er janvier. Rien n’annonce les changemens et les mouvemens qu’un avenir prochain apportera dans la situation des deux sociétés.


II

Au commencement de 1718, Law, directeur de la banque et de la compagnie d’Occident, a toute la faveur du régent. Les plus hauts fonctionnaires de l’état, s’ils ne sont pas d’accord avec lui, sont remplacés ; il est la cause d’une crise ministérielle. Dangeau écrit que, « le 28 janvier 1718, M. de La Vrillière alla, à sept heures du matin, chez M. le chancelier (d’Aguesseau) lui redemander les sceaux et lui conseiller, de la part de M. le duc d’Orléans, de se retirer à sa terre de Fresne jusqu’à nouvel ordre. » D’Aguesseau conserva le titre de chancelier, qui ne pouvait lui être enlevé, et les sceaux furent remis au lieutenant-général de police, d’Argenson, qui reçut en même temps la direction et principale administration des finances[1] ; le duc de Noailles avait prévenu par

  1. De Luçay, les Secrétaires d’état, p. 209.