Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terrassemens à faire ont été déjà livrés, les rails sont posés sur une grande partie du parcours. On compte que l’exécution du réseau serbe sera terminée en 1884 ou 1885 au plus tard.

La troisième puissance représentée dans la commission des quatre, la Bulgarie, n’est pas, à beaucoup près, aussi avancée ; les 120 kilomètres de Vakarel à Caribrod, qui prolongent la ligne serbe de Nissa à Pirot, n’ont été l’objet d’aucune adjudication ; il en est de même des 40 kilomètres de Caribrod à Bellova, en Turquie, pour atteindre à la frontière la grande ligne qui se poursuit vers Philippopoli et Andrinople, ainsi que des 75 kilomètres de Vranja à Uskuba : c’est à peine si on prévoit qu’ils seront commencés avant un an. Jusqu’ici, la Porte avait tardé à désigner le point où ses propres lignes se raccorderaient pour opérer la jonction du grand chemin de Vranja vers Andrinople : le ministre de la guerre vient enfin d’indiquer la localité de Liplyan. Toutefois, on doute encore d’une résolution définitive à cet égard, et l’on prétend même qu’un autre tracé est à l’étude.

Deux motifs plus ou moins graves expliquent jusqu’à un certain point ces atermoiemens : le bénéfice à attendre immédiatement de ces entreprises ne provoque pas un très grand enthousiasme dans les dernières provinces qu’il s’agit de raccorder ; le trafic local, qui forme les neuf dixièmes des recettes, est en progrès, mais le trafic de transit n’éveille pas les mêmes espérances) ; on ne comprend pas quelle utilité il peut y avoir à en faciliter à bref délai le succès rapide. A cet égard, les concurrences subsistent encore à l’état latent, la Russie et la Roumanie jettent des regards envieux du côté de la Serbie ; le régime auquel la navigation du Danube sera soumise cache, ainsi que la question du passage des Balkans, des mécontentemens sourds que la Porte préfère laisser dormir le plus longtemps possible : le mieux eût été sans doute d’aborder et de résoudre toutes ces difficultés et de faire deux chemins de Constantinople au lieu d’un seul ; l’avenir en décidera. Pour le moment, on développe les sources du trafic local, qui est susceptible de grandes augmentations, et l’on rapproche autant que possible les distances qui séparent toutes ces lignes, en laissant pour la fin le dernier vide à combler[1]. D’ailleurs, la Porte n’est pas en mesure de lever l’obstacle qui doit tout aplanir.

  1. Un changement assez imprévu semble s’être fait du côté de la Russie. La Bulgarie ne parait pas avoir tenu ce qu’on se promettait d’elle. En Roumélie, les dispositions ne sont plus les mêmes, et loin de se rattacher plus étroitement à l’influence russe, le sentiment public se rapproche plus de la Porte : l’envie est donc moins grande pour la Russie de voir les raccordemens roumains s’établir du côté des Balkans, puisque les nouveaux états limitrophes ne montrent pas, comme on l’avait supposé, d’hostilité imminente envers la Turquie.