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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/485

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Financièrement, la situation de l’Egypte ne peut paraître bonne, puisque son budget succombe sous le poids des charges que lui imposent et la déplorable administration des fonctionnaires anglais et l’entretien des troupes anglaises, Mais la loi de liquidation a sauvegardé les intérêts des créanciers de l’Egypte en leur réservant le produit d’une catégorie déterminée de revenus. Or ce produit est plus que suffisant pour satisfaire au service de la dette. L’Angleterre, il est vrai, cherchera à obtenir une modification à la loi de liquidation, fille ne réussira qu’à la condition d’assumer formellement le protectorat et de substituer, pour les créanciers, sa garantie directe à celle de l’Egypte.

La hausse générale des fonds étrangers pouvait difficilement laisser notre marché tout à fait indifférent. Nos fonds publics se sont donc associés au mouvement, avec une certaine timidité d’abord, puis un peu plus nettement dans les derniers jours, La situation de la place comportait une reprise. On avait baissé pendant tout le mois de février, avant et après, l’emprunt. L’amortissable, émis à 76.60, était tombé à 70 francs. Il était à prévoir que les banquiers qui avaient pris la plus grosse part à la souscription feraient tous leurs efforts pour relever les cours aussitôt qu’une occasion favorable se présenterait. La liquidation ayant été très facile et les capitaux s’étant prêtés à des conditions exceptionnellement douces pour les reports, le marché de nos fonds publics a commencé à se raffermir. L’argent étant abondant à 2 et 2 1/2 pour 100, on en pouvait conclure que les vendeurs à découvert avaient presque exclusivement servi de contre-partie aux acheteurs désireux de se faire reporter. Les banquiers ont donc pensé que le moment était venu de provoquer un courant de reprise. On avait d’ailleurs, outre une situation de place se prêtant à cette tentative, deux êvénemens favorables à escompter, une victoire du cabinet dans la question du traitement des instituteurs, et la prise certaine de Bac-Ninh.

Pour enlever le vote de la chambre dans cette question des instituteurs, le cabinet s’était décidé à montrer la situation financière sous son vrai jour, ce qui l’a fait apparaître peu brillante. En même temps, le projet de loi pour le budget de 1885 a été déposé. Ce projet présente les recettes et les dépenses en équilibre, à 200,000 francs prés. Mais, comme on le peut croire, cet équilibre est des plus instables. Il n’a été obtenu qu’au prix d’expédiens dont quelques-uns sont misérables. Les chiffres du budget de 1884 ont été pris pour base ; mais il a fallu augmenter les dépenses de 23 millions, tandis que les recettes présentaient une moins-value de 35 millions : total 58 millions à trouver. M. Tirard croit les avoir découverts dans des remaniemens apportés à la perception de certains impôts et destinés à prévenir la fraude. Il est fort à craindre que les espérances fondées sur ces remaniemens ne soient