Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La démission de Stairs eut encore pour conséquence de laisser le ministre Carteret maître dans le conseil du roi d’Angleterre, et, avec lui, le goût des solutions diplomatiques reprit le dessus sur le parti des coups de force et de la politique à outrance. Ce fut ce que l’un des généraux autrichiens appelait une manière philosophe de faire la guerre qui ne servirait qu’à rendre la campagne infructueuse. En conséquence, deux négociations furent immédiatement rouvertes, l’une et l’autre très épineuses et dont les lenteurs servirent de raison ou de prétexte pour motiver le retard des opérations militaires. Ce fut d’abord la reprise d’une tentative déjà tant de fois faite et souvent si près d’aboutir, afin de décider l’empereur à une volte-face qui, moyennant un salaire modeste, l’aurait fait passer dans le camp de ses ennemis de la veille. Il semblait que, dans l’état d’exaspération et de détresse auquel ce malheureux prince était réduit, il ne devait pas être malaisé de le déterminer à ce changement de front. Rancune et misère, tout paraissait l’y porter, et l’opération eût été facile, en effet, si seulement Marie-Thérèse eût maintenu les conditions déjà si sévères qu’elle exigeait avant la victoire, ou si le cabinet anglais l’eût obligée à s’en contenter. Mais le succès enivrait tout le monde, et l’Angleterre, hier encore si accommodante, devenait après son triomphe presque plus exigeante que son alliée. Ce n’était pas, à la vérité, la faute personnelle de George, qui, ne connaissant pas d’intérêt plus cher ni plus pressant que de pacifier l’Allemagne pour protéger le Hanovre, se montrait toujours assez traitable ; mais il avait affaire, chez lui, à un parlement ombrageux et sur ses gardes, qui, se méfiant justement de cette faiblesse, ne voulait pas que le sang anglais eût coulé à Dettingue uniquement pour sauver les possessions particulières de la maison de Brunswick. Vienne et Londres se mirent ainsi d’accord pour offrir ou plutôt pour imposer à Charles VII des conditions telles qu’une abdication immédiate eût été cent fois préférable : on ne lui promettait en effet de lui rendre son patrimoine électoral qu’à la condition de laisser aux Autrichiens toutes les places fortes en otage jusqu’à ce qu’une diète solennelle, convoquée par lui-même, eût déclaré sur sa demande la guerre à la France au nom de l’empire et assuré la succession impériale à l’époux de Marie-Thérèse,

Sous l’empire de cette effroyable pression, Charles se débattait, comme un condamné subissant la question ordinaire et extraordinaire. Il eût peut-être sacrifié soit l’honneur, soit l’intérêt; mais tous deux ensemble, en vérité, c’était trop : «Ce ne sont pas les renonciations qu’on me demande, disait-il au ministre de France, qui m’arrêtent : je n’ai plus rien à perdre, mais (mettant la main sur son cœur) c’est ceci qui me retient : je suis le parent et l’allié du roi,