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2° N’est-il pas clair que le parti pacifique l’emportera infailliblement en Hollande, puisque Bassecour, l’un des plus déterminés à la guerre, commence à parler de paix? N’est-il pas clair que la France montre de la vigueur et de la sagesse? 2° J’admire la sagesse de la France ; mais Dieu me préserve à jamais de l’imiter !
3° Dans ces circonstances, si Votre Majesté parlait en maître, si elle donnait l’exemple aux princes de l’empire d’assembler une armée de neutralité, n’arracherait-elle pas le sceptre de l’Europe des mains des Anglais qui vous bravent et qui parlent hautement de vous d’une manière révoltante, aussi bien que le parti des Bentinck, des Fagel, des Obdam? Je les ai entendus et je ne vous dis rien que de très véritable. 3° Ceci serait plus beau dans une ode que dans la réalité. Je me soucie fort peu de ce que les Hollandais et Anglais disent, d’autant plus que je n’entends point leur patois.
4° Ne vous couvrez-vous pas d’une gloire immortelle en vous déclarant efficacement le protecteur de l’empire? Et n’est-il pas de votre plus pressant intérêt d’empêcher que les Anglais ne fassent votre ennemi le grand-duc roi des Romains? 4° La France a plus d’intérêt que la Prusse de l’empêcher; et en cela, cher Voltaire, vous êtes mal informé : car on ne peut faire une élection de roi des Romains sans le consentement unanime de l’empire. Ainsi vous sentez bien que cela dépend toujours de moi.
5° Quiconque a parlé seulement un quart d’heure au duc d’Aremberg, au comte de Harrach, au lord Stairs, à tous les partisans d’Autriche, leur a entendu dire qu’ils brûlent d’ouvrir la campagne en Silésie. Avez-vous, en ce cas, sire, un autre allié que la France ? et, quelque puissant que vous soyez, un allié vous est-il inutile? Vous connaissez les ressources de la maison d’Autriche, et combien de princes sont unis à elle. Mais résisteraient-ils à votre puissance jointe à celle de la maison de Bourbon? 5° On les y recevra,

Biribi,
A la façon de Barbari,
Mon ami.

6° Si vous faites seulement marcher des troupes à Clèves, n’inspirez-vous pas la terreur et le respect, sans crainte que l’on ose vous faire la guerre? N’est-ce pas, au contraire, le seul moyen de forcer les Hollandais à concourir sous vos ordres à la pacification de l’empire et au rétablissement de l’empereur, qui vous devra deux fois son trône et qui aidera à la splendeur du vôtre? 6° Vous voulez donc qu’en vrai dieu de machine,

J’arrive pour le dénoûment;
Qu’aux Anglais, aux Pandours, à ce peuple insolent,
J’aille donner la discipline ?
Mais examinez mieux ma mine ;
Je ne suis pas assez méchant.

7° Quelque parti que Votre Majesté prenne, daignera-t-elle se confier à moi comme à son serviteur, comme à celui qui désire de passer ses jours à votre cour? Voudra-t-elle que j’aie l’honneur de l’accompagner à Baireuth et, si elle a cette bonté, veut-elle bien me le déclarer afin que j’aie le temps de me préparer pour ce voyage? Pour peu qu’elle daigne m’écrire quelque chose de favorable dans la lettre projetée, cela suffira pour me procurer le bonheur où j’aspire depuis six ans de vivre auprès d’elle. 7° Si vous voulez venir à Baireuth, je serai bien aise de vous y voir, pourvu que le voyage ne dérange pas votre santé. Il dépendra donc de vous de prendre quelles mesures vous jugerez à propos.