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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/679

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mains du public un instrument d’échange commode, léger à porter, facile à compter, et enfin, comme cet instrument ne coûte généralement rien à l’établissement qui l’émet, celui-ci peut le donner à meilleur marché que l’argent qu’on trouverait ailleurs. Voilà le mécanisme et l’utilité du billet au porteur; et, en fait, on peut constater que, là où il existe, le taux de l’escompte et de l’intérêt, en général, a considérablement baissé. Il rend les mêmes services que les chemins de fer comparés aux anciens modes de transport. Les transports, autrefois, avaient pour limite les moyens dont on disposait, et comme ces moyens étaient peu nombreux et très chers, le déplacement de toute marchandise devenait très onéreux, le commerce en souffrait, et il n’a pris un grand développement que depuis que les chemins de fer ont été créés. Le billet au porteur, je le répète, rend les mêmes services; mais, pour cela, il faut qu’il soit parfaitement assuré, que le public le prenne avec confiance et que les établissemens dont il émane aient intérêt à le mettre en circulation dans la mesure nécessaire. Avec la liberté des banques, on est obligé d’entourer l’émission de telles précautions, si l’on veut qu’elle présente des garanties, que l’exercice du droit devient difficile ; on arrive presque, dans la pratique, à le supprimer. Est-ce là l’idéal qu’on rêve? En ce cas, il faudrait en revenir purement et simplement aux banques de dépôt, comme celle de Hambourg, qui ne peuvent émettre de billets au porteur qu’en représentation exacte du numéraire qu’elles possèdent dans leurs caisses.

Dans ces conditions, les avantages de la circulation fiduciaire se trouvent bien diminués ; le billet au porteur n’est plus qu’un instrument d’échange plus commode, plus facile à manier que le métal, mais il n’ajoute rien aux facilités de crédit dont peut disposer le commerce : donc, pour avoir une circulation fiduciaire suffisante et parfaitement assurée il faut le monopole ; cela est tellement vrai, que tout le monde y arrive. En Allemagne, avant l’établissement de l’empire, il y avait un certain nombre de banques qui avaient le droit d’émettre des billets au porteur ; ces billets ne rendaient pas de grands services et ne franchissaient guère la frontière de l’état où ils avaient été créés. Après l’établissement de l’empire, on a constitué une banque privilégiée dont le siège est à Berlin et qui rayonne sur toute l’Allemagne; elle a 230 succursales, et elle a pris une telle importance qu’elle escompte à elle seule 84 pour 100 de tout le papier en circulation ; les autres banques, qui ont gardé le droit d’émission, par respect pour le passé, n’en escomptent que pour 16 pour 100. Nous n’entrerons pas dans l’énumération des services qu’a rendus cette banque privilégiée, nous nous contenterons de dire que, si l’Allemagne a aujourd’hui une grande puissance économique