Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prennent tout à coup un grand essor, beaucoup de gens s’en ressentent, les ouvriers surtout ; il en résulte bien vite une augmentation du prix de la main-d’œuvre, qui ne tarde pas à devenir exagérée si on pousse les choses à l’extrême. On a beaucoup discuté sur le chiffre des constructions qui ont eu lieu à Paris depuis un certain nombre d’années. M. Cochut, dans l’article dont nous avons parlé, l’établit à 5 ou 6 milliards depuis six ou sept ans. M. Paul Leroy-Beaulieu, dont les appréciations sont généralement justes, admet ce chiffre et en tire des conclusions fort judicieuses ; mais le gouverneur du Crédit foncier, l’honorable M. Christophle, dans une déposition fort intéressante qu’il a faite devant la commission des quarante-quatre de la chambre des députés, le conteste et le ramène à 1,200 ou 1,300 millions pour neuf ans, soit à peine à 150 millions par an, La différence est grande. Nous croyons qu’il y a exagération des deux côtés. Nous voulons bien admettre l’appréciation de M. le gouverneur pour la première période de ces neuf années ; elle n’est plus exacte pour la dernière. Pour expliquer son chiffre de 1,200 à 1,300 millions, M. Christophle s’appuie tout naturellement sur le concours apporté aux constructions nouvelles par l’établissement qu’il dirige, et il trouve que, en 1874, cet établissement a fourni 17 millions, 36 en 1875 et 35 en 1876. Il est probable, en effet, que, dans les trois premières années, les constructions n’aient pas marché trop vite, et ce qui le prouve, c’est la hausse constante des loyers. Les choses ont complètement changé depuis 1880. En 1880, le Crédit foncier, au dire de M. Christophle, a prêté pour les constructions de Paris 151 millions, en 1881 153 millions, 179 en 1882 et 134 en 1883. Or les dernières années sont précisément celles qui ont amené la crise. Il faut savoir que le Crédit foncier, aux termes de ses statuts, ne doit prêter que 50 pour 100 de la valeur, et comme, depuis plusieurs années, cet établissement est entré dans une voie de grande prudence, les évaluations faites par ses inspecteurs sont très modérées, on peut dire qu’en réalité les avances qu’il accorde ne vont pas au-delà de 40 à 45 pour 100 ; 150 millions de prêts pour les constructions représentent donc une dépense d’environ 340 à 350 millions. Maintenant le Crédit foncier n’est pas le seul à prêter des fonds pour ce genre d’affaires. D’autres sociétés se sont formées dans la même intention, il y a aussi des particuliers qui construisent avec leurs propres ressources sans rien demander au crédit ; c’est le plus petit nombre, il est vrai. Si l’on réunit le tout ensemble, il ne sera pas téméraire de déclarer que, dans les quatre dernières années, de 1880 à 1884, on a construit à Paris pour 500 à 600 millions de maisons nouvelles, soit pour 2 milliards ou 2 milliards 400 millions dans ces