en 1821, il était bientôt avec M. Thiers, son jeune compagnon de l’école d’Aix, un des représentans de ces générations nouvelles qui se formaient à la vie publique, qui se promettaient l’avenir. C’était un jeune libéral prenant sa place par le talent dans toutes les mêlées de la politique} mais déjà, à côté du polémiste qui s’était essayé dans les journaux du temps, qui allait faire sa dernière campagne au National, en 1830, on pouvait distinguer l’esprit sérieux et réfléchi qui se plaisait aux savantes études, qui avait le goût et la vocation de l’histoire. La révolution de juillet, en comblant ses vœux, avait fixé son choix et la direction de sa vie. Le gouvernement nouveau, en l’appelant au poste de directeur des archives, avait trouvé l’homme pour la place; il lui avait ouvert sa vraie carrière, cette voie où M. Mignet avait fait ses premiers pas par son Essai sur les Institutions de saint Louis, par son lumineux Précis sur la révolution française, et où il n’a cessé depuis de déployer ses facultés supérieures en racontant tour à tour les négociations de la succession d’Espagne, les rivalités de François Ier et de Charles-Quint, la destinée tragique de Marie Stuart, les mystérieuses aventures d’un Antonio Ferez.
M. Mignet a son originalité et sa place dans l’élite des historiens du temps, à côté des Thierry, des Guizot, des Thiers. Il ne raconte pas et il ne comprend pas l’histoire comme eux. Il a son genre à lui, l’art de condenser les faits, de saisir la philosophie des événemens, de tracer des tableaux ordonnés et précis, —un art mêlé de sagacité, de sobriété et d’éloquence. L’Introduction aux négociations relatives à la succession d’Espagne est assurément une œuvre de maître, Les Notices, qu’il a été conduit à écrire lorsqu’il est devenu secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques, sont les épisodes d’une histoire multiple des idées, des révolutions et des hommes. L’impartialité s’allie dans ces pages à une rare faculté de généralisation. Par sa vie comme par ses goûts, M. Mignet est avant tout un historien : c’est son originalité. Il n’était point un politique, ou il ne l’a été qu’en passant. Il a été à peine un fonctionnaire dans cette direction des archives pour laquelle il semblait fait, qu’il occupait pendant la durée de la monarchie de juillet et que les républicains de 1868 se hâtaient de lui enlever, — comme ils se hâtaient du reste de révoquer ce dangereux bibliothécaire du ministère de l’intérieur, Alfred de Musset! M. Mignet ne se troublait pas ou ne s’offensait pas de cette brutalité, il laissait passer les événemens. Depuis longtemps, il mettait pour ainsi dire toute sa politique en M. Thiers, avec qui il est resté toujours d’intelligence, comme il l’avait été aux jours de sa jeunesse, et l’amitié intime, invariable de ces deux hommes, accoutumés à ne se rien cacher, est certes un des épisodes les plus curieux, les plus attachans du siècle. Ces deux noms sont désormais inséparables. M. Mignet laissait à son brillant ami les rôles éclatans, les luttes publiques; il s’associait