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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/828

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vue, en espèces, une somme déterminée : ne pas satisfaire à cet engagement, c’est se mettre en état de faillite. L’action représente la participation de celui qui la possède aux opérations d’une société commerciale, à ses chances de bénéfices ou de pertes, sans qu’elle lui donne droit au remboursement du capital qu’il a versé, si à l’expiration de la société il a été dissipé : sa valeur n’est pas fixe, elle est essentiellement variable, suivant l’opinion que se fait le public des profits auxquels elle donne droit. Il fallait ne pas confondre, séparer au contraire la banque et la compagnie, le billet et l’action ; ne pas laisser les billets dépasser le chiffre de 1 milliard, autorisé au 1er janvier et déjà excessif; interdire à la compagnie de racheter ses actions ; abandonner ces actions à elles-mêmes et les laisser descendre à leur prix véritable, calculé sur le produit réel qu’elles pourraient donner. Il est vrai que le versement de 3/5 qui restait à faire sur les 300,000 actions émises à 5,000 livres, dans le second semestre de 1719, aurait pu ne pas être effectué et que la compagnie n’aurait pas réalisé le capital qu’elle s’était engagée à prêter à l’état pour le remboursement de ses dettes : on aurait pu y pourvoir par d’autres moyens, en rétablissant une partie des rentes au lieu d’exiger impérieusement que leur remboursement fût accepté; c’est ce qu’on fut obligé de faire plus tard, quand ce remède était devenu inefficace pour combler le gouffre qui s’était creusé. Peut-être n’était-il pas impossible, en agissant ainsi, au commencement de 1720, d’assurer encore la circulation et le paiement des billets, dont on pouvait diminuer le montant en exigeant le remboursement à leur échéance des prêts faits sur dépôt d’actions, sans craindre de faire encore baisser celles-ci. Quoi qu’il en soit à cet égard, cette conduite était la seule conforme au droit, à la justice, à la raison, aux principes les plus élémentaires de gouvernement, de finances, d’économie publique.

Law fut entraîné dans une autre voie par ses illusions et par ses théories fausses et chimériques sur la monnaie, sur le papier de circulation et sur la richesse illimitée qu’il pouvait procurer à une nation, sur la possibilité de donner même aussi aux actions d’une société le caractère d’une valeur de crédit circulant comme les billets : il fut peut-être aussi dominé par un autre sentiment naturel à l’homme. Le XIXe siècle a, plus qu’on ne l’avait au commencement du XVIIIe l’expérience des sociétés commerciales et financières, de leur prospérité et de leur chute. N’a-t-on pas VII, de nos jours, le fondateur d’une société par actions, dont les titres, par le seul effet de l’engouement public et sans qu’il y eût contribué par aucune manœuvre répréhensible, avaient de beaucoup dépassé leur valeur véritable, ne pouvoir se résigner au retour d’opinion qui les