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défendant, sous peine des galères, de vendre à perte des billets, ni un arrêt du conseil, renouvelant la défense de porter, et même de garder des diamans et des pierreries, avec ordre aux marchands d’exporter dans le délai d’un mois ceux qu’ils pouvaient avoir, qui firent cesser le resserrement des espèces; ces arrêts ne furent d’ailleurs pas exécutés. On coupait à la banque les gros billets en billets de 10 livres; deux fois la semaine, les jours de marché, on distribuait aux commissaires du numéraire pour rembourser ces billets de 10 livres. « Ils ont tous les jours chez eux une garde de soldats avec des sergens, et elle est triplée les jours des paiemens. Ils sont à présent comme de petits ministres; car les magistrats et les gens de qualité vont les prier en grâce de leur garder 100 livres, parce qu’on ne donne que 10 livres à la populace, et c’est une tuerie le mercredi et le samedi. Personne, en effet, n’a d’argent et il semble qu’on aille leur demander une aumône. » (Journal de Barbier.)

Cependant, sur les instances réitérées du parlement, la banque rouvrit ses guichets le 9 juillet, mais seulement pour rembourser, les mardis, jeudis et samedis, un seul billet de 10 livres à chaque personne, et pour couper, les autres jours, les billets de 1,000 liv. et de 100 livres en petites coupures. « On entroit par la rue Vivienne dans les jardins de l’hôtel Mazarin et on passoit ensuite dans la galerie où étoient les bureaux. Quand le jardin étoit plein, on ne laissoit plus entrer personne et on expédioit ceux qui étoient dedans; cela faisoit perdre toute la journée à de pauvres gens. Cela a été exécuté deux ou trois fois avec une foule extraordinaire, de manière qu’il y avoit toujours cinq ou six personnes d’étouffées pour entrer dans le jardin. — Le 17 juillet, la rue Vivienne fut remplie de 15,000 âmes dès trois heures du matin. La foule fut si considérable qu’il y eut seize personnes étouffées avant cinq heures. Cela fit retirer le peuple» On en porta cinq le long de la rue Vivienne; mais à six heures, on en porta trois à la porte du Palais-Royal. Tout le peuple suivoit en fureur; ils voulurent entrer dans le palais, que l’on ferma... C’étoit un tapage affreux par tout le quartier. Une bande porta un corps mort au Louvre,.. une autre se jeta du côté de la maison de Law et elle cassa toutes les vitres; on y fit entrer des Suisses pour la garder. Pendant ce temps, le régent avoit peur; on n’osa pas faire paroître des troupes. Un des officiers de garde avoit fait entrer cinquante soldats en habit bourgeois. Quand ils eurent pris leurs mesures en dedans, à neuf heures, ils ouvrirent les portes et, en un moment, les cours furent pleines de quatre à cinq mille personnes... Voilà ce qui s’est passé, et il ne s’en est guère fallu qu’il n’y eût une sédition entière... On a enterré les