ils avaient même introduit dans l’administration des hommes d’opinions assez avancées, et c’était pour le cabinet conservateur une tâche assez délicate de procéder au renouvellement de tout ce personnel, dont il avait à craindre les hostilités dans les élections. D’un autre côté, sans que la situation soit précisément menaçante pour la monarchie d’Alphonse XII, il y a depuis quelque temps, au-delà des Pyrénées, tous les signes d’un travail révolutionnaire qui se poursuit dans certaines régions de la péninsule et jusque dans l’armée. Les conspirations dont on a cru récemment saisir les fils ne sont-elles que la suite du mouvement insurrectionnel qui s’est produit l’été dernier dans quelques garnisons de l’Èbre et de l’Estramadure ? Sont-elles un fait nouveau ? Toujours est-il que, depuis quelques semaines et jusqu’à ces derniers jours, le gouvernement s’est cru obligé de procéder à un assez grand nombre d’arrestations, même à des arrestations de militaires, sur divers points de l’Espagne : à Madrid, à Barcelone, à Lérida, à Carthagène. C’est donc dans des conditions assez laborieuses que s’est faite cette préparation électorale dont s’occupe le cabinet conservateur depuis qu’il est au pouvoir. Il a certainement mis tous ses soins à s’assurer une majorité, — sans exclure d’ailleurs l’opposition, particulièrement la gauche dynastique, qu’il a moins vivement combattue que les amis de M. Sagasta. C’est l’œuvre de trois mois. Quel est le résultat aujourd’hui ? Le scrutin s’est ouvert il y a trois jours dans toute l’Espagne, et il a produit à peu près ce qu’on pouvait présumer. Le cabinet compte une majorité de plus de trois cents élus sur quatre cent vingt-sept députés. Les amis de M. Sagasta ont eu plus de succès que ne l’aurait voulu peut-être le ministre de l’intérieur, ils sont au nombre de quarante. La gauche dynastique est représentée par le général Lopez Dominguez, par M. Moret, par M. Balaguer. Il y a aussi quelques républicains élus, le plus brillant et le plus éloquent de tous, M. Castelar, M. Montero Rios. La nouvelle chambre espagnole retrouve, par le dernier scrutin, ses principaux chefs de partis, avec une armée ministérielle marchant sous la direction de M. Canovas del Castillo.
Voilà donc la crise électorale terminée et dénouée pour l’Espagne. Maintenant le nouveau parlement se réunira dans quelques jours, et le ministère, avec la majorité qui lui est acquise, pourra sans doute sortir victorieux des discussions qui s’ouvriront inévitablement. Il pourra surtout avoir le budget qui lui est nécessaire et obtenir le vote des lois les plus urgentes. Ce n’est là cependant, il faut l’avouer, qu’un commencement, et l’expérience prouve assez qu’en Espagne il ne suffit pas de triompher dans un scrutin, que la plus sérieuse difficulté pour un ministère n’est pas de conquérir une majorité, mais de vivre après les élections avec cette majorité. Le président du conseil, M. Canovas