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ceux-là même qui reçoivent des bienfaits du fait des enfans en font remonter la reconnaissance aux parens.

Qu’un fonctionnaire de l’état soit anobli, ses parens deviennent nobles en même temps. L’anoblissement a un effet rétroactif ; et, à mesure que la dignité du rang s’élève, elle s’élève également dans la famille des ascendans.

Cette coutume est caractéristique et elle établit une différence profonde entre les mœurs de l’Orient et celles de l’Occident. La noblesse ne consiste pas uniquement, chez nous, dans le titre honorifique que confère un souverain. Nous distinguons deux sortes de noblesse : l’une est héréditaire et le fils aîné seul en est le titulaire, comme cela se pratique encore en Angleterre ; l’autre s’attache au rang d’une fonction de l’état.

La noblesse héréditaire ne s’accorde que dans de rares circonstances : elle est octroyée pour honorer et immortaliser des services éminens, la valeur guerrière, par exemple. La noblesse qui s’attache au rang de la charge occupée dans l’état est une sorte de noblesse de robe ; elle ne se transmet pas aux descendans, mais aux ascendans. Un fonctionnaire est-il promu, ses parens obtiennent une dignité égale à la sienne ; ils sont vraiment anoblis, si je puis m’exprimer ainsi, par droits d’auteurs, afin de recevoir l’hommage de la piété filiale ; mais les enfans du fonctionnaire, quelle que soit l’élévation de son rang, n’ont droit à aucun privilège.

L’aristocratie chinoise est donc composée et de ceux dont le rang officiel constitue la noblesse et de ceux qui la tiennent de l’hérédité : celle-ci, quand elle n’est pas soutenue par le mérite personnel, est sans influence dans l’empire du Milieu.

J’ai indiqué l’union entre les époux comme un principe faisant partie du programme de l’éducation ; c’est, en effet, un principe dont on ne saurait trop vanter l’excellence, puisqu’en Chine le mariage est indissoluble. Non pas qu’il faille comprendre ce mot au point de vue légal (on sait que dans certains cas la loi chinoise autorise la dissolution du mariage), mais au point de vue du respect dû à la famille, et plus spécialement aux parens.

L’indissolubilité du mariage tient à une cause précise qui dépend des circonstances mêmes dans lesquelles il se produit. En Chine, on se marie jeune, et ce sont les parens qui choisissent eux-mêmes pour leur enfant l’épouse qui lui convient.

En Europe, rien de semblable : ce sont les jeunes gens qui s’avisent de juger s’il convient ou non de se marier, et s’il est temps de rompre avec la vie de garçon. Il existe un grand nombre de motifs au profit desquels on sacrifie les plus belles années du mariage, celles qui sont les plus heureuses pour la femme. Chez nous, nous