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et des coutumes, on remarquerait que leurs changemens correspondent à quelque événement de nature sérieuse. Toutes les coutumes locales entretenaient l’affection du sol natal ; le costume maintenait le rang. Aujourd’hui tout le monde se ressemble dans tous les pays de l’Occident, et on ne tient plus à grand’chose. Si c’est là le progrès désiré, il est complet, et j’admire sans envie.

iv.— le divorce.

Le divorce existe en Chine, mais d’une certaine manière. J’ai dit que le mariage créait un lien indissoluble au point de vue de la famille ; le législateur seul a introduit une disposition d’exception, et il ne l’a introduite que dans l’intérêt même de la famille. À vrai dire, le divorce est une nécessité légale.

Que le lecteur ne cherche pas ici une thèse favorable ou contraire à la loi du divorce. Je ne fais concurrence ni à Alexandre Dumas fils ni à M. Naquet. Je raconte ce que nous pensons du divorce en Chine ; je ne peux donc pas dire ce qu’on en penserait si la famille était organisée en Chine comme elle l’est chez les nations occidentales.

On fait des lois pour les sociétés à mesure que ces sociétés se transforment ; les lois marquent les évolutions : j’allais dire les révolutions. Il se peut donc que les législateurs trouvent le moment favorable d’introduire le divorce ; cela est très admissible, mais je n’en ai pas fait la preuve.

Ce que je sais, c’est qu’en l’an 253 avant l’ère chrétienne, époque à laquelle fut publié notre code, le divorce existait en Chine. Quand fut-il promulgué comme loi ? La réponse est obscure ; mais Voltaire, fort heureusement, nous l’apprend : « Le divorce est à peu près de la même date que le mariage : je crois que le mariage est de quelques semaines plus ancien. » L’esprit vient toujours à bout de tout.

Quoi qu’il en soit de l’âge exact du divorce, il n’a pas été institué à la légère et il est entré dans le code accompagné d’un dispositif qui en fait une mesure sérieuse. La loi a prévu d’avance certaines circonstances qu’il est inutile de rappeler ici et qui sont dans la mémoire de tous les gens mariés. Sur ces chapitres, l’Orient et l’Occident s’entendent à merveille. Mais il y a chez nous une originalité. Nous possédons deux cas de divorce inédits en Europe. Ils consistent dans la désobéissance poussée jusqu’à l’injure envers les parens de l’un ou de l’autre des conjoints, et dans la stérilité constatée à un âge fixé par la loi.