tique ; les changemens opérés par eux ne furent que de grandes mesures administratives. Ils coordonnèrent les élémens qui leur avaient été légués, en ajoutèrent quelques-uns et donnèrent à la monarchie impériale sa forme dernière, celle de l’empire byzantin qui réunit deux choses qu’on voit souvent ensemble : la faiblesse et la cruauté. Le peuple qui avait eu, pour les citoyens, la législation pénale la plus douce finit par avoir la plus atroce.
Le nouveau gouvernement s’appuya comme l’ancien sur l’armée, mais plus encore sur une administration qui pénétra partout, afin de tout surveiller et de tout contenir. La vie active et féconde était jadis éparse sur la surface entière du territoire, une centralisation extrême la concentra dans les bureaux, officia, que remplirent les agens de l’empereur : armée innombrable dont la principale fonction fut de faire de l’or pour le prince, par l’impôt, et qui en fit pour elle-même par la vénalité. Cette froide main, étendue sur l’empire, glaça les sources de la vie et tout s’immobilisa. Comme le curiale était devenu le serf de l’état, et le colon celui de la terre, l’ouvrier des manufactures impériales le fut de son métier, le soldat de sa cohorte, l’artisan de son collège ; et pour qu’on les pût aisément retrouver, s’ils s’échappaient du camp ou de l’atelier, on les marqua sur le bras ou la main d’un signe indélébile, comme le bétail que le fermier parque dans son enclos. Les servitudes du moyen âge commençaient.
VII.
Le mouvement, la grande loi du monde physique, est aussi la loi du monde moral. La société romaine, semblable à un corps affaissé sous le poids des liens qui l’enveloppent, n’agit plus et ne pense pas. Plus d’écrivains, plus d’artistes, plus de poètes qui la charment et l’excitent en lui montrant un idéal, le Sursum corda et spiritus qui fait les nations glorieuses. La patrie n’existe pas ; les dieux sont morts et, comme une terre usée qui ne donne plus de fruits, le monde païen ne produit plus d’hommes. Une grande leçon sort donc de cette histoire : là où le gouvernement veut tout faire, les citoyens ne font rien. L’état s’était proposé d’assurer le travail en l’organisant par des corporations réglementées et par l’établissement de conditions héréditaires, il n’organisa que la misère publique.
Au milieu de ce monde finissant se trouvaient pourtant des hommes qui, eux, agissaient et pensaient, mais en regardant au ciel et non pas à la terre, en se préoccupant de la vie d’outre-tombe